jeudi 24 mars 2011

Qui veut mourir pour Abidjan?

L'Afrique ne comprend pas pourquoi la communauté internationale intervient militairement en Libye et pas en Côte d'Ivoire. Des Africains dénoncent le deux poids, deux mesures pratiqué par l'Occident.
Un nouvel Irak? Un autre Afghanistan? Ou, au contraire, pas de nouveau Rwanda, comme s'en félicite le président rwandais Paul Kagamé? Bien des voix s’élèvent, en Chine, en Russie, en Bulgarie, au Venezuela, au Vatican et dans plusieurs pays d’Afrique, pour condamner l’intervention militaire occidentale en Libye. Pendant ce temps, la Côte d'Ivoire reste au second plan. Désespérément.
Un symbole fort: Ban Ki-moon, le Secrétaire général des Nations unies, a été chahuté le 21 mars place Tahrir, au Caire, par une cinquantaine de manifestants pro-Kadhafi, qui l'ont contraint à trouver refuge dans l'immeuble qui abrite la Ligue arabe. Trois émissaires de l’Afrique du Sud ont par ailleurs annulé lundi leur voyage à Tripoli, où ils devaient commencer des «discussions» avec le colonel Kadhafi et les «rebelles», au nom de l’Union africaine (UA).

Deux poids, deux mesures

Comme pour la Côte d’Ivoire, l’UA a en effet mis sur pied un panel de cinq pays (Afrique du Sud, Ouganda, Mauritanie, Mali et Congo), afin de résoudre une énième «crise politique» africaine. Mais l’intervention des grandes puissances occidentales a changé toute la donne, dans un contraste saisissant avec la Côte d’Ivoire. Ce pays d'Afrique de l'Ouest, lui, s’apprête à sombrer dans les atrocités de la guerre civile, dans une relative indifférence.
Une politique du «deux poids, deux mesures» qui n’a pas échappé au Nigeria, seconde puissance subsaharienne après l’Afrique du Sud. Son ministre des Affaires étrangères, Odein Ajumogobia, a dénoncé le 21 mars les «contradictions» des grandes puissances, «qui imposent une zone d’exclusion aérienne en Libye pour protéger des civils innocents du massacre», tandis qu’en Côte d’Ivoire, «la même communauté internationale assiste impuissante au massacre de femmes innocentes» et à l’exode des réfugiés.

Le cas libyen divise l'Afrique

Le Nigeria pousse au départ de Laurent Gbagbo, président sortant de Côte d'Ivoire qui refuse de reconnaître sa défaite à la présidentielle du 28 novembre 2010. Un point de vue auquel l’Afrique du Sud ne s’est ralliée que récemment. Il aura fallu une visite de Jacob Zuma à Abidjan —où il n’a pas été convaincu par les arguments du camp Gbagbo—, mais surtout à Paris, où la France a mis dans la balance une aide bilatérale conséquente (1,5 milliard d’euros sur trois ans) et des programmes nucléaires civils. Quelques jours plus tard, Zuma reconnaissait la victoire électorale d’Alassane Ouattara.
Pour l’Afrique du Sud, la question libyenne relève aussi d’enjeux de politique intérieure. Les jeunes loups populistes et radicaux de la Ligue des jeunes du Congrès national africain (Ancyl) condamnent en effet l’intervention occidentale en Libye. Du coup, Jacob Zuma marche sur des œufs. Il a d’abord déclaré avoir «personnellement tancé» Kadhafi pour avoir «tiré sur son peuple», sans dire s’il soutenait ou non la zone d’exclusion aérienne décidée par la France, la Grande-Bretagne et les Etats-Unis. Lundi, il s’est fait plus précis: il a mis en garde contre une intervention militaire en Libye, et rappelé la position de l’UA —respect de «l’intégrité territoriale de la Libye» et rejet de «toute intervention militaire étrangère, quelle que soit sa forme».
Ailleurs en Afrique, au Zimbabwe et en Namibie, d’autres hérauts du nationalisme africain se montrent loyaux à l'égard de leur ami de longue date et généreux mécène Mouammar Kadhafi. Robert Mugabe, 87 ans, a dénoncé des «vampires» occidentaux intéressés par le pétrole libyen. Une déclaration faite en pleine visite d’officiels chinois à Harare, qui ont signé pour 585 millions de dollars (415,3 millions d'euros) de projets au Zimbabwe, financés par la Banque de développement chinoise.
«Nous ne sommes pas d’accord avec la forme qu’avait pris le gouvernement en Libye, a déclaré Mugabe. Mais nous souhaitons qu’il réforme son système à sa manière, et pas selon les vœux de l’Occident. Ils veulent tuer Kadhafi. Ils ont ciblé son quartier général et tué beaucoup de civils. Ils s’en fichent éperdument.»
Seule voix vraiment dissonante: celle de Paul Kagamé. Le chef de l'Etat rwandais est le seul, en Afrique, à se féliciter ouvertement des frappes occidentales contre le régime Kadhafi. A l'en croire, «les leçons» du génocide rwandais ont été tirées. Dans une tribune publiée le 23 mars dans le quotidien britannique The Times, Kagamé écrit:
«Aucun autre pays ne sait mieux que le mien le coût que cela représente quand la communauté internationale n'intervient pas pour empêcher un Etat de tuer son propre peuple. En cent jours en 1994, un million de Rwandais ont été tués par des "génocidaires" soutenus par le gouvernement, et le monde n'a rien fait pour les arrêter.»
Il appelle par ailleurs l'Afrique à agir plus rapidement:
«D'un point de vue africain, d'importantes leçons sont à tirer, la principale étant qu'il nous faut répondre plus rapidement et plus efficacement à ce genre de situation... La réponse de l'Union africaine a été lente et prise de vitesse par les événements sur le terrain.»

La Côte d'Ivoire s'enlise

L'appel pourrait aussi bien valoir pour la Côte d'Ivoire, où quatre mois après une présidentielle ubuesque, le camp de Laurent Gbagbo recrute à tour de bras. Des milliers de jeunes se sont enrôlés dans l'armée lundi, à l'appel de Charles Blé Goudé, leader des Jeunes patriotes et ministre de la Jeunesse de Laurent Gbagbo.
Les rumeurs faisant état de distribution d'armes dans les quartiers poussent les populations d'Abidjan au départ. Les plus aisés, dans les deux camps, évacuent femmes et enfants dans des pays voisins. Les plus pauvres, de leur côté, quittent avec leurs baluchons les quartiers d'Abidjan et des villes de l'Ouest où des combats menacent. Les classes moyennes, à Abidjan, restent là, pétrifiées de peur, paralysées par l'incertitude.

Gbagbo plaide en vain pour un dialogue inter-ivoirien auprès des diplomates occidentaux

Laurent Gbagbo a chargé plusieurs membres de son gouvernement d’approcher les chancelleries occidentales à Abidjan pour évoquer la possibilité d’un dialogue inter-ivoirien. Elles lui ont opposé une fin de non-recevoir.
Depuis la fin de la semaine dernière, Laurent Gbagbo a entrepris d’approcher les diplomates en poste à Abidjan pour réclamer leurs bons offices. Il a mandaté auprès d'eux des membres de son gouvernement, pour faire connaître son intention d’ouvrir au plus vite - avant la fin de la semaine - un dialogue inter-ivoirien avec Alassane Ouattara. L’objectif pour Gbagbo : se montrer enclin à trouver une solution pacifique à la crise postélectorale et sauver la face, au moment où il est lâché par ses derniers soutiens.
Il a ainsi prié Ahou Don Mello, son ministre de l'Équipement et porte-parole du gouvernement, Alcide Djédjé ministre des Affaires étrangères, Désiré Dallo, ministre de l'Économie et des Finances, et Philippe Attey,  ministre de l'Industrie, de faire discrètement connaître ses intentions aux conseillers et secrétaires de ambassades de France, d’Italie, d’Espagne et des États-Unis, a-t-on appris de sources diplomatiques…
Dans l’esprit de Laurent Gbagbo, ce dialogue pourrait déboucher sur un gouvernement d’union nationale, dont il prendrait les commandes. Alassane Ouattara serait son vice-président, et ils exerceraient ainsi le pouvoir « conjointement », en s’appuyant sur des ministres d’État.
Mais partout, le refus a été catégorique, ont confirmé des proches de Gbagbo. Les diplomates, pour qui il n’y a rien à négocier, refusent d’encourager Alassane Ouattara à accepter toute discussion avec son rival. Ils l’ont reconnu comme seul président élu en Côte d’Ivoire et ne préconisent que le départ de Gbagbo comme issue à la crise. Quant à Alassane Ouattara, il pourrait se montrer favorable à la négociation, à la condition sine qua non que Laurent Gbagbo reconnaisse sa défaite à l'élection présidentielle du 28 novembre dernier.
La crise qui a suivi ce scrutin a fait de nombreux morts et blessés. Selon un dernier bilan des Nations unies, 52 personnes ont trouvé la mort au cours de la semaine écoulée, soit 462 morts depuis la fin 2010.

En voiture Simone (Gbagbo)

Simone, qu'a fait de toi ce pouvoir? Es-tu réellement cette femme monstrueuse, cette dame de sang, le mauvais génie de Laurent Gbagbo en Côte d'Ivoire? Par l'écrivain Venance Konan.

Simone Gbagbo lors des cérémonies du cinquantième anniversaire de l'indépendance de la Côte d'Ivoire. Reuters/Luc Gnago
l'auteur
Simone, n’entends-tu vraiment rien? Ne vois-tu rien? Ne sens-tu pas une présence autour de toi lorsque tu te couches dans ton grand lit que ton infidèle Laurent a déserté depuis longtemps pour le corps plus frais de la belle Nady? Tu es Africaine, Simone, et avant de te lancer dans la politique, tu avais dirigé le Groupe de recherche sur la tradition orale (GRTO). Tu sais donc que dans nos traditions, comme l’a écrit le poète Birago Diop, «les morts ne sont pas morts, ils sont dans le vent, ils sont dans l’eau qui coule...»
Alors, Simone, écoute dans le vent le buisson en sanglot, et tu entendras certainement les gémissements de ces femmes aux corps déchiquetés. Si tu ouvres bien les yeux, surtout lorsque tu as éteint toutes les lumières, Simone, tu verras ces femmes, parfois sans têtes, sans membres, sans corps, tourner autour de toi.

Ouvre bien les yeux

Ouvre bien les yeux, et tu verras celles qui sont mortes après avoir subi de multiples viols. Elles te montreront leurs sexes ensanglantés. Tu les vois, Simone, tu les entends? Elles t’accusent toutes. Elles t’accusent toi, qui aurais dû être leur mère, leur sœur, leur protectrice, d’avoir été leur bourreau. Est-ce vrai Simone? Est-ce vrai que tu as définitivement fermé ton cœur depuis que tu as accédé au pouvoir?
Simone, Simone! Qu’a fait de toi ce pouvoir? Jézabel, la reine qui tuait les prophètes de Dieu et qui détourna Achab de son vrai Dieu afin qu’il adore Baal? Héra, la femme trompée et jalouse de Zeus? Es-tu réellement cette femme monstrueuse, cette dame de sang, le mauvais génie de Laurent Gbagbo que décrivent les chroniqueurs et que chanteront pendant longtemps les porteurs de voix?
Je te revois, radieuse, dans ta robe blanche, ce jour où ton Laurent a décidé de se faire investir président de la République de Côte d’Ivoire, alors que les Ivoiriens lui avaient refusé leurs voix. Tu savais qu’il commettait une forfaiture, qu’il usurpait un pouvoir qui n’était plus le sien. Mais il n’était pas question pour toi de revenir en arrière. La Côte d’Ivoire, disais-tu en exergue de ton livre Paroles d’honneur, avait été donnée par Dieu à l’homme qui partageait ta vie depuis plus de trente ans sans partager ton lit. Cela t’importait peu je crois, ce qui comptait étant qu’il partage avec toi le pouvoir. Le pouvoir Simone! Est-ce la seule chose qui ait jamais compté à tes yeux? Et toute ta vie, tu ne te serais battue que pour l’avoir? Ah ta vie, Simone Ehivet Gbagbo. Reprenons-en le fil.

Dans la petite tribu côtière des Abouré

Tu nais en 1949, dans la petite tribu côtière des Abouré, onze ans avant l’indépendance du pays que tu dirigeras plus tard. As-tu souvenance de ce jour où l’indépendance fut proclamée? Il y a quelques années, tu as déclaré que tu n’avais pas apprécié la manière dont cette indépendance avait été acquise par Houphouët-Boigny. Tu aurais préféré un «non» flamboyant comme celui que Sékou Touré [premier président de la République de Guinée, de 1958 à 1984] avait dit à de Gaulle. La vraie indépendance, disais-tu, sera celle que ton mari octroiera à la Côte d’Ivoire. Mais en 1960, tu étais trop jeune pour dire ton mot dans cette affaire.
Ton père, Jean Ehivet, gendarme, dont tu as probablement hérité de ta carrure, te trimbalera de ville en ville à travers le pays, au gré de ses affectations. C’est sans doute ce qui t’a permis de parler une bonne partie de nos langues. C’est ce père qui te transmet sa foi catholique.
Après tes études couronnées par un doctorat de troisième cycle en littérature orale, tu deviens enseignante chercheur. Tu militeras alors activement dans le syndicat des enseignants qui représentait à cette époque la seule opposition véritable au pouvoir d’Houphouët-Boigny. C’est au sein de ce syndicat que tu rencontreras Laurent, qui deviendra ton époux, et le père de tes trois premières filles.
Avec lui vous vous formerez au marxisme, sous la conduite du poète Zadi Zaourou, celui que l’on appelle le père de la gauche ivoirienne. Avec Laurent tu seras plusieurs fois arrêtée. En 1982, tu participes à l’organisation de la grande grève des enseignants qui vaudra à Laurent de fuir le pays, te laissant toute seule avec tes enfants qui étaient désormais cinq. Au retour de Laurent en 1989, vous créez ensemble le Front populaire ivoirien (FPI), l’un des premiers partis politiques d’opposition qui sera officialisé en 1990, après les grands mouvements sociaux qui avaient ébranlé le pouvoir trentenaire de celui qu’on appelait «Le Vieux».

Le vrai patron du FPI, c'est Simone

En 1990, Laurent est élu député. Toi tu prends les rênes du parti, même si tu n’en es pas officiellement la secrétaire générale. Tout le monde sait que le vrai patron du FPI, c’est Simone. En 1992, après une marche qui a dégénéré en violences à travers les rues d’Abidjan, tu es arrêtée avec Laurent et son premier fils Michel, celui qu’il a eu avec une Française, par Alassane Ouattara qui était Premier ministre. Il n’empêche que lorsque celui-ci sera combattu par Henri Konan Bédié qui avait succédé à Houphouët-Boigny, votre parti s’alliera à lui.
En 1995, tu rejoins Laurent à l’Hémicycle. Tu es députée de la commune d’Abobo, à Abidjan. Tu n’es pas femme à te contenter d’être l’épouse d’un homme politique. Tu es une femme politique. En 1996, Laurent et toi êtes victime d’un grave accident de la route. Tu échappes à la mort par miracle. C’est alors que tu rencontres le pasteur Moïse Koré, celui qui deviendra le très officiel conseiller spirituel de ton époux après son accession au pouvoir, et officieusement son négociant en armes. C’est lui qui te fait découvrir la foi évangélique.
En 2000, par un de ces retournements de situation dont seule l’Afrique a le secret, Laurent se retrouve à la tête du pays. Tout le monde se souvient de ces larmes que tu avais versées le jour de son investiture. Ton heure était arrivée. Laurent et toi étiez arrivés au pouvoir. «Dieu nous a donné la Côte d’Ivoire», écriras-tu plus tard.

Tu n'es pas femme à s'occuper d'œuvres sociales

Tu n’es pas femme à s’occuper d’œuvres sociales sous le prétexte que son mari est président de la République. Tu te feras élire députée de la même commune d’Abobo, vice-présidente de l’Assemblée nationale et première vice-présidente du FPI, le nouveau parti au pouvoir. Alassane Ouattara avait été empêché de se présenter aux législatives par Laurent Gbagbo, son ancien allié, tout comme il avait été empêché de se présenter à la présidentielle par le général Robert Guéï. Ses militants descendent dans les rues pour protester. Certaines femmes sont envoyées à l’école de police et violées. Tu en es informée. «Mais qu’avaient-elles à aller manifester dans les rues?» t’exclames-tu devant la nation ébahie. Et peu de temps après, la télévision te montre, priant presqu’en état de transe, dans un temple évangélique.
Toutes tes interventions sont truffées de citations bibliques. Et tu répètes à tout propos que «c’est Dieu qui donne le pouvoir, c’est Dieu qui le reprend». L’on commence à s’interroger. D’autant plus que tu t’affirmes presque comme une coprésidente de la République. Tu disposes d’un cabinet, comme le président de la République, tu reçois des acteurs sociaux, comme une présidente de la République, et tu déclares au magazine français L’Express: «Tous les ministres ont du respect pour moi. Et on me situe souvent au-dessus d’eux.» L’on apprend dans le même temps que Laurent a délaissé ta couche pour celle de la nordiste Nady Bamba. Il l’a même épousée selon les traditions musulmanes, lui le chrétien qui t’avait suivi dans la foi évangélique.

Puis survient du Nord du pays la rébellion de 2002

Puis survient du Nord du pays la rébellion de 2002. Laurent et toi conservez le pouvoir de justesse. Certains de vos proches sont tués, et le pays est coupé en deux. Surgissent alors des escadrons de la mort qui assassinent tous ceux qui sont soupçonnés de soutenir la rébellion, du fait de leur origine nordiste. Et ton nom commence à être associé à ces escadrons qui sèment la terreur. Ton masque se durcit. Tes propos contre les populations du Nord et les immigrés aussi.
Après l’accord de Linas-Marcoussis qui consacre le partage du pouvoir avec la rébellion, la chronique rapporte que tu aurais giflé Affi N’guessan, le Premier ministre de ton mari, pour l’avoir signé. Tu te bats bec et ongles pour vider cet accord de toute substance. Les escadrons de la mort sévissent de plus belle. Ils ne cesseront leurs sinistres opérations que lorsque Laurent et toi aurez été accusés d’en être les vrais patrons, et menacés de traduction devant la Cour pénale internationale. Mais tu restes la «mère» des «Jeunes patriotes» de Blé Goudé qui te vouent une véritable dévotion.

Prise d’une frénésie d’enrichissement

Prise d’une frénésie d’enrichissement, tu achètes de nombreuses entreprises, en arraches à ceux qui ne veulent pas te les vendre, puises dans les caisses de l’Etat, fais des dépenses somptuaires au cours de tes voyages, et tu te construis un immense palais à Moossou, ton village natal. Tout le monde dans le pays a peur de toi. Le Journal suisse Le Matin évalue la fortune que tu avais déposée dans les banques suisses à 2,49 milliards d’euros.
Cahin-caha, la Côte d’Ivoire arrive à l’élection présidentielle en octobre 2010, sur fonds de rumeurs de rivalité entre Nady Bamba et toi. Pendant la campagne électorale, tu fais une longue tournée dans les régions du Nord, le terrain de Nady. Celle-ci t’y emboîte le pas, demandant aux populations de voter pour son «mari». Au premier tour, Laurent est sévèrement battu au Nord. Tu en profites alors pour reprendre les rênes de la campagne qui étaient entre les mains de Nady.
Laurent perd cette fois-ci dans tout le pays. Selon la chronique, Nady lui aurait conseillé de reconnaître sa défaite. Ce contre quoi tu te serais radicalement opposée. Tu aurais même dit à Laurent: «Si tu fais cela, c’est que tu n’en as pas dans la culotte.» Juste les mots qu’il fallait pour fouetter l’orgueil du mâle ivoirien. Laurent en a dans la culotte. Il l’aurait prouvé à de nombreuses femmes durant son règne de dix ans. Il ne cachait d’ailleurs pas qu’il adorait la bagatelle. Laurent se cabre donc et refuse de quitter le pouvoir, pour le grand malheur du peuple ivoirien.
Le 15 janvier 2011, tu as rassemblé tous tes partisans au Palais de la culture, tu as dansé devant eux, et entre deux prières à Dieu, tu as proclamé que jamais Laurent et toi ne laisseriez le pouvoir à Alassane Ouattara que tu as qualifié de «chef bandit». Et Abobo, le quartier dont tu es la députée, mais qui a eu le malheur de voter pour Alassane Ouattara, est pilonné chaque jour par vos miliciens. Le 3 mars, ils ont tiré sur des femmes rassemblées devant la mairie, tuant sept d’entre elles. Le 15 mars, ce sont des obus qu’ils ont tirés sur un marché, et une trentaine de personnes, dont de nombreuses femmes, ont encore perdu la vie.

La Côte d’Ivoire est à feu et à sang

La Côte d’Ivoire est à feu et à sang. Des cadavres s’entassent dans les rues. Les morts se comptent par centaines. Des personnes blessées d’Abobo refusent d’aller à l’hôpital de crainte d’y être achevées. Vos miliciens considèrent tout blessé venant d’Abobo comme un rebelle. Ton mari a fait couper l’eau et l’électricité dans le Nord du pays ainsi que dans les quartiers favorables à Ouattara. Les enfants meurent de faim, de soif. Rien de tout cela ne t’a tiré la moindre larme de remords, le moindre mot de compassion. Votre télévision a dit que les femmes mortes à Abobo, c’était du chiqué, du bidonnage.
Laurent et toi refusez de quitter le pouvoir. Dieu l’a donné à Laurent. Et à toi. Seul lui pourra vous l’enlever. Qu’ont donc ces femmes et ces hommes à contester votre pouvoir, ton pouvoir à toi, Simone la Jézabel? Souviens-toi tout de même. Lorsque Jézabel est morte, son corps a été jeté aux chiens.
Venance Konan

mercredi 23 mars 2011

Côte d'Ivoire: Le bon, la crise et le truand

La crise ivoirienne n’en finit pas de diviser le monde au-delà de la Côte d’Ivoire. Que ce soit dans les milieux politiques et diplomatiques ou dans l’opinion publique, en Afrique comme en Occident, chacun choisit son camp en fonction des accointances, des intérêts et des informations dont il dispose.
En Occident surtout, où l’opinion publique est plutôt habituée aux chefs d’Etat africains prompts à truquer les élections ou à imposer la guerre pour se maintenir au pouvoir contre la volonté de leurs peuples, la crise ivoirienne est perçue autrement. Au choix, un démocrate ou un ange, Alassane Dramane Ouattara, qui a gagné la présidentielle, et un démon ou un dictateur, Laurent Gbagbo, qui a perdu mais veut se maintenir au pouvoir coûte que coûte. Soit. L’erreur de la communauté internationale a été de penser qu’une élection pouvait régler de facto le profond malaise que traverse la société ivoirienne.
Même si Laurent Gbagbo démissionnait aujourd’hui et qu’Alassane Ouattara s’installait officiellement au palais présidentiel, la crise ivoirienne ne serait pas réglée pour autant. Le mal est plus profond et vient de très loin. Dans les deux camps qui se connaissent et se détestent, les enjeux sont les mêmes. Au-delà des intérêts, ce sont des questions de pouvoir et d’identité qui divisent. Et seuls les Ivoiriens peuvent y apporter des solutions durables.
Lorsque feu le président Félix Houphouët-Boigny (au pouvoir de 1960 à 1993) confia le poste de Premier ministre à Alassane Ouattara, la question de l’identité de ce dernier se posait déjà. Un sujet sur lequel Laurent Gbagbo n’a jamais réellement transigé, lui qui le traitait d’«étranger».
Et, comble de la maladresse, Ouattara avait cru bon de se composer un staff de cadres de haut niveau, mais pour la plupart véritablement étrangers: le Béninois Pascal Koupaki (actuel numéro 2 du gouvernement béninois), le Guinéen Sidya Touré (ancien Premier ministre de Guinée) —pour ne citer qu'eux. Tout cela apportait de l’eau au moulin de Laurent Gbagbo qui pouvait ainsi continuer à affirmer que l’«étranger» avait rassemblé des étrangers pour diriger la Côte d’Ivoire.
La question du pouvoir s’est posée à la mort du président Houphouët-Boigny, quand Ouattara a tenté de lui succéder en lieu et place d’Henri Konan Bédié (au pouvoir de 1993 à 1999), qui, en tant que président de l’Assemblée nationale, était son dauphin constitutionnel. C’est fort de cette tentative qu'une fois au pouvoir, Bédié ne s’est pas fait prier pour créer le fameux concept de l’«ivoirité» afin d'écarter son rival Ouattara.
Quand Laurent Gbagbo a accédé au pouvoir après l’intermède du général Robert Guéï, c’est cette même «ivoirité» qu’il a repris à son compte et qui a conduit au coup d’Etat manqué du 19 septembre 2002 —dont le camp Gbagbo accuse aujourd’hui Ouattara d’être le maître d’oeuvre. Lequel coup d’Etat manqué a conduit à la scission du pays en deux: le Nord, commandé par par les Forces nouvelles de Guillaume Soro, et le Sud, régi par les forces loyales au président Gbagbo.
Ce n’est pas le fruit du hasard si ce dernier revient fréquemment sur les causes et les auteurs de cette tentative ratée de coup d’Etat, et que la communauté internationale ne se gêne pas pour passer par pertes et profits leur soutien à Ouattara. Pour ne rien arranger, il a le soutien indéfectible du Burkina, dont il bénéficie au même titre que les Forces nouvelles —alors qu’on lui reproche déjà d'être burkinabé en Côte d’Ivoire. Et l'appui de la communauté internationale a achevé de lui donner l'image de l’homme de l’étranger, à la solde du néocolonialisme que Gbagbo —le nationaliste— combat de toutes ses forces.
A y regarder de plus près, ce sont ces vieilles querelles intestines entre les trois principaux ténors de la classe politique ivoirienne qui compliquent la crise postélectorale actuelle. Sauf qu'entretemps, Henri Konan Bédié a stratégiquement changé son fusil d’épaule pour rallier Ouattara contre Gbagbo.
Le camp Gbagbo et le camp Ouattara sont comme l’avers et l’envers d’une même médaille. Seulement voilà: aujourd'hui, c’est le côté face du camp Ouattara qui brille —comme ce fut le cas pour Gbagbo pendant un temps. Mais à observer attentivement les acteurs de la guerre civile que le pays a connue et qui est en train de reprendre progressivement, on est tenté de conclure que la gestion que font l'un et l'autre de leurs territoires et de leurs administrés n'a rien de profondément différent.
Le camp Ouattara n’a de cesse de dire que le camp Gbagbo a recruté de nombreux mercenaires, libériens et angolais notamment, pour se battre aux côtés des Forces de défense et de sécurités (FDS) encore fidèles au président Laurent Gbagbo. Mais rien ne dit qu'à l’heure actuelle il n’y a pas de mercenaires du côté des Forces nouvelles de Ouattara. Le camp Gbagbo les a d’ailleurs accusés d’avoir reçu l’aide de mercenaires nigérians ainsi que des armes. Quand on connaît les implications et les ramifications du conflit, et le fait que certains pays qui les soutiennent en sont coutumiers, rien n’est moins sûr.
De quoi se garder de montrer du doigt l'ange ou le démon dans cette affaire avant de connaître le fin mot de l’histoire.

Sauvons la Côte d'Ivoire : "La guerre civile a déjà commencé"

Selon l'International Crisis Group, il faut se rendre à l'évidence : la guerre civile a déjà commencé en Côte d'Ivoire. Alors que les chefs d'État de la Cedeao se réunissent à Abuja mercredi et jeudi, tout sur le terrain semble lui donner raison.
« La Côte d'Ivoire n'est plus au bord de la guerre civile, cette dernière a déjà commencé. » Si le constat de l'International Crisis Group (ICG) est amer, il est cependant difficilement contestable. En effet, les camps du président sortant Laurent Gbagbo et du président élu Alassane Ouattara sont en confrontation ouverte depuis plusieurs semaines, non seulement dans l'ouest de la Côte d'ivoire mais aussi en plein cœur de la capitale économique Abidjan.
Les dirigeants politiques de la région auront sans doute du mal à l'admettre. Mais ce n'est pas faute d'avoir été prévenus : l'ONU a plusieurs fois tiré la sonnette d'alarme, pointant une catastrophe humanitaire sans doute « pire qu'en Libye », tandis que la Côte d'Ivoire était victime d'un exode massif d'au moins 500 000 personnes fuyant les combats depuis le début de la crise postélectorale.
Dans ces conditions, l'ICG estime que les chefs d'État de la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (Cedeao), qui se réunissent en sommet mercredi et jeudi à Abuja, doivent décider de la « création d'une mission militaire » pour protéger les civils en Côte d'Ivoire. Mais trois mois après que la Cedeao a menacé d'employer la « force légitime » contre Gbagbo, le dossier échappe à l'organisation régionale.
L'Union africaine mène la danse
Un porte-parole de la Cedeao, Sunny Ugoh, prévient que pour les chefs d'État, « il s'agit simplement de se tenir informés de la situation ». Il précise que les efforts pour trouver une solution à la crise sont désormais menés au niveau de l'Union africaine (UA). Or une réunion du Conseil de paix et de sécurité (CPS) de l'UA a été annoncée pour jeudi à Abuja, mais on ne savait pas mardi si elle était maintenue.
La question est toujours la même : faut-il intervenir militairement en Côte d'Ivoire et, si oui, qui en prendra la responsabilité ? Alassane Ouattara a appelé l'ONU à s'engager clairement contre Gbagbo pour « protéger des civils ». L'emploi de la force est dans le mandat de l'Onuci, mais celle-ci hésite, ne souhaitant pas envenimer le conflit, ce qui lui vaut les critiques non pas d'un mais des deux camps.
De fait, l'ONU se contente pour l'instant de déplorer la situation, se déclarant notamment « extrêmement préoccupée par l'utilisation croissante d'armes lourdes, dont des mitrailleuses, des lance-roquettes et des mortiers, par les Forces spéciales du président Laurent Gbagbo contre les populations civiles à Abidjan », selon un communiqué publié mardi. Mais sous la pression du camp Ouattara, l'Onuci hausse le ton pour la première fois. Elle avertit « qu'elle ne tolèrera pas les tentatives d'utiliser ces armes et qu'elle prendra l'action nécessaire contre elles, conformément à son mandat ».
« Récemment, la mission a observé que le camp du président Gbagbo réparait un hélicoptère armé MI-24 sur l'aile militaire de l'aéroport d'Abidjan, et qu'il apprêtait des BM-21 lance-roquettes multiples à Abidjan », poursuit le communiqué de l'Onuci, alors que le bilan des violences depuis décembre est déjà de 440 morts - 832 selon le gouvernement Ouattara. Mais, ce n'est pas le seul motif d'inquiétude pour la communauté internationale.
Depuis lundi dernier, le camp Gbagbo a entrepris de recruter au sein de l'armée des jeunes volontaires. Selon la radio-télévision d'État RTI, quelque 20 000 jeunes se seraient présentés pour la seule journée de lundi pour se faire enrôler. Ensuite, preuve que la tension est à son maximum à Abidjan, le camp Gbagbo vise désormais clairement les « journalistes des médias internationaux ».
Menaces contre les journalistes
Ceux-ci sont « prompts à faire diffuser volontairement des informations erronées », a affirmé sur la RTI le porte-parole du gouvernement de Gbagbo, Ahoua Don Mello, démentant tout tir d'obus par les forces fidèles à Laurent Gbagbo, le jeudi 17 mars à Abidjan sur le quartier d'Abobo (nord). Selon l'ONU, qui a parlé d'un possible « crime contre l'humanité », entre 25 et 30 personnes ont été tuées dans l'attaque. La plupart des témoins mettent en cause les FDS pro-Gbagbo.
Et Don Mello de poursuivre : les médias internationaux « adoptent en revanche un mutisme injustifié lorsque des crimes d'une atrocité révoltante sont commis par les rebelles ». Selon lui, « des exactions et des tueries commises par les rebelles » dans l'ouest du pays « ne sont pas loin de constituer, sinon un génocide, à tout le moins des actes y afférents ». « Les médias occidentaux agitent le spectre des poursuites internationales en diffusant en boucle des informations sur des charniers inexistants, des attaques imaginaires et des prétendus génocides », a-t-il encore accusé, confondant certainement les méthodes des médias occidentaux avec celles de la RTI.
Mais les accusations du camp Gbagbo ont un but : menacer les journalistes présents à Abidjan pour les empêcher de travailler. « Le gouvernement de Côte d'Ivoire appelle les médias internationaux à prendre les précautions élémentaires pour vérifier la matérialité des faits avant de les diffuser et à faire preuve de professionnalisme, c'est-à-dire d'objectivité et d'impartialité, pour ne point se rendre complices des terroristes, comme le sont déjà les forces onusiennes et les forces [françaises] Licorne, au risque de devoir les considérer désormais comme le prolongement médiatique du terrorisme ambiant », conclut le texte. On ne saurait être plus clair.
Le Comité pour la protection des journalistes (CPJ), basé à New York, a souligné mardi que le travail de la presse ivoirienne « est de plus en plus dangereux, les journalistes faisant face à un climat de menaces, d'intimidation et d'attaques qui a forcé nombre d'entre eux à choisir entre adopter une couverture partisane ou se réfugier en lieu sûr ».

mardi 22 mars 2011

Western ivoirien

La guerre civile en Côte d’Ivoire touche deux fronts: Abidjan et la région Ouest, où se concentrent tous les ingrédients d’un cocktail particulièrement dangereux.

La guerre civile est un cancer. Dès qu’une métastase disparaît quelque part, une autre apparaît ailleurs. Ainsi, entre 2002 et 2003, les combattants libériens délaissent le régime chancelant de Charles Taylor pour se diriger vers la Côte d’Ivoire voisine, où vient d’éclater une insurrection armée. Dès novembre 2002, des milliers de miliciens libériens sont recrutés par les rebelles ivoiriens pour grossir les rangs de deux mouvements armés issus de la région Ouest: le Mouvement populaire ivoirien du Grand Ouest (MPIGO) et le Mouvement pour la justice et la paix (MJP).
Les hordes aguerries dans les faubourgs de Monrovia permettent aux rebelles ivoiriens de contrôler les villes de Man et Danané. Au passage, les Libériens imposent leur style de guerre: viols et pillages contaminent l’Ouest ivoirien. La région bascule dans l’ultraviolence. Il faudra l’intervention de l’armée française pour éviter que le grand port de San Pedro, objectif stratégique des rebelles, ne tombe entre leurs mains.

Œil pour œil…

La réponse du régime Gbagbo sera la copie exacte de la méthode employée par les rebelles nordistes. Il soutient la création de milices locales opposées à l’avancée rebelle, comme le Front de Libération du grand Ouest (FLGO) ou l’alliance des patriotes Wê (AP-Wê). Il finance, à son tour, l’embauche de miliciens libériens choisis parmi les adversaires politiques ou ethniques de ceux que l’on retrouve dans les rangs du MPIGO et du MJP. A la mosaïque identitaire ivoirienne, déjà fortement ébranlée par le concept «d’ivoirité», s’ajoutent les divisions ethniques libériennes et les haines engendrées par quinze années de guerre civile. L’Ouest ivoirien devient la zone de tous les dangers et le cancer libérien menace d’emporter le malade ivoirien.
Huit ans plus tard, rien n’a changé. Rentrés chez eux à la faveur des plans de démobilisation ou d’opérations de retour forcé, les miliciens libériens ressurgissent à la moindre alerte. Quant aux milices locales, plus ou moins intégrées à l’armée, elles constituent l’épine dorsale des Forces de défense et de sécurité dans le Grand Ouest. La ligne de front existe toujours. Man et Danané pour les Nordistes, Toulépleu et Douékoué pour les Sudistes.

L’histoire se répète

A la mi-février 2011, alors que la situation militaire semblait gelée à Abidjan, les ex-rebelles des Forces Nouvelles de Guillaume Soro, rebaptisées Forces républicaines (FR), ont repris l’offensive, prenant la ville de Toulépleu et une poignée de localités voisines. Une offensive planifiée par le Premier ministre d’Alassane Ouattara, venu début mars passer les troupes en revue dans la ville de Man. Les Forces républicaines voulaient manifestement se prémunir d’une offensive des miliciens libériens, revenus en force aux côtés des troupes loyales à Laurent Gbgabo.
Selon Thomas Hofnung, du quotidien français Libération, le camp Gbgabo aurait récemment recruté près de 3.000 de ces «chiens de guerre» libériens. Les FR ne sont sans doute pas en reste, et que ce soit en zone Nord ou en zone Sud, les témoignages de civils recueillis au téléphone font état d’une présence de miliciens étrangers et d’une reprise concomitante des exactions contre les populations civiles: pillages et viols.

Objectif: le port du cacao

Mais le réveil du front Ouest a aussi une dimension stratégique. Les FR veulent achever l’opération que le MPIGO et le MJP n’avaient pu mener à bien en 2003, à savoir conquérir San Pedro. Ils ôteraient alors à Laurent Gbagbo toute possibilité d’utiliser ce grand port pour exporter le cacao. Des centaines de milliers de tonnes de fèves sont actuellement stockées à San Pedro dans l’attente d’un départ vers les chocolateries occidentales.
Laurent Gbagbo a récemment ordonné la nationalisation de la filière cacao, dans le but de desserrer l’étau financier dans lequel il se trouve en raison des sanctions internationales. En outre, si le port de San Pedro tombe aux mains des forces alliées à Alassane Ouattara, Laurent Gbagbo n’aura plus guère la possibilité de recevoir le moindre soutien extérieur ni la moindre livraison d’armes clandestines.
Cette réactivation du front Ouest a déjà poussé des dizaines de milliers d’Ivoiriens sur les routes. Entre 70.000 et 90.000 ont trouvé refuge au Liberia, qui accueille désormais des camps de réfugiés ivoiriens.
Alex Ndiaye

Côte d'Ivoire : Ouattara appelle l'ONU à utiliser la "force légitime"

À l'instar de ce qui se passe en Libye, Alassane Ouattara demande à l'ONU une résolution pour autoriser le recours à la force en Côte d'Ivoire et protéger les civils de la guerre civile naissante. Tout en lui permettant d'accéder au pouvoir.
Cette fois la demande est claire, et elle émane d'Alassane Ouattara lui-même. Après que sa porte-parole a réclamé dimanche à l'ONU de « passer à l'action », le président élu officialise sa requête. « Compte tenu de l'ampleur et de l'urgence de la situation [...], le gouvernement demande au Conseil de sécurité de l'ONU d'adopter une résolution pour autoriser le recours immédiat à la force légitime en vue de protéger les populations civiles en danger imminent », indique un communiqué.
Visiblement inspiré par la résolution 1973 de l'ONU qui permet les frappes aériennes en Libye, le gouvernement de M. Ouattara « regrette que l'assistance humanitaire et la protection des populations qu'il a demandées à travers l'Onuci [10 000 hommes, NDLR] ne soient pas une réalité sur le terrain », selon le texte. De fait, près de 440 personnes, en majorité des civils, ont trouvé la mort depuis le début de la crise, selon l'ONU ; mais selon le camp Ouattara, il y aurait 832 morts.

Patrouilles et check-points
Ouattara propose donc plusieurs solutions. D'abord, « la création d'un détachement de l'Onuci suffisamment doté en hommes et en moyens, dont la mission sera de porter secours et assistance aux populations ». Puis « la mise en place de check-points permanents dans les quartiers d'Abidjan les plus exposés à la violence et l'intensification des patrouilles » et enfin « l'installation de bases militaires de l'Onuci à Abobo et à Yopougon », les deux quartiers les plus touchés par les affrontements.
L'objectif étant également de prendre le pouvoir sans que les forces de Gbagbo ne puissent exercer de représailles sur des innocents, le gouvernement Ouattara réclame aussi « la destruction de l'arsenal militaire de guerre du camp Gbagbo utilisé contre les populations civiles » ainsi que « la création d'espaces sécurisés pour les populations en détresse » et de « couloirs humanitaires ». Selon l'ONU, près de 500 000 personnes ont fui leur habitation depuis le début de la crise, dont près de 90 000 ont trouvé refuge au Liberia voisin. La bataille d'Abidjan menace des millions d'habitants et la guerre civile fait déjà rage dans l'ouest de la Côte d'Ivoire.

GBAGBO, le Past Président !


L'appel d'un jeune intellectuel Ivoirien au président sortant

Bonjour monsieur le Past Président,

Chose promise, chose due. Je suis bien vivant devant vous aujourd`hui, pour vous parler. Comme un fils quelque peu impertinent (entendons-nous bien, cela ne veut pas dire impoli. Je le précise surtout pour votre inamovible procureur du Plateau et pour certains de ses adjoints dont je doute sérieusement de la bonne maîtrise de la langue de Molière. Je sais de quoi je parle, j`ai été poursuivi à plusieurs reprises dans ce tribunal pour de prétendus délits de presse, et chaque fois, j`ai gagné mon procès, y compris celui où vous me poursuiviez (eh oui) dans l`affaire dite des " 100 crimes "), parlerait à un père par trop déviationniste.

Suite à ma première épitre, j`ai reçu beaucoup de messages et j`aurais certainement reçu beaucoup d`appels téléphoniques si je n`étais pas sur le répondeur. Je ne vais pas revenir ici sur les conditions dans lesquelles j`ai fui mon pays. J`ai honte d`utiliser ce terme, mais c`est la triste réalité.
Samedi donc, quelqu`un m`a envoyé un e-mail (j`espère que vous savez au moins ce que cela veut dire) en me disant qu`il ne supportait pas que j`écrive votre Président avec un grand P. Cela m`a fait sourire, mais en même temps, j`ai mesuré l`antipathie que vous inspirez désormais à certains de vos concitoyens, certainement les plus nombreux.

Pour ma part, je vous assure que je n`éprouve aucune rancœur, ni aucune haine, juste de la colère face à tout ce gâchis que vous auriez sinon pu, mieux dû éviter ; et de la pitié du fait de votre obstination à la fois inconséquente et suicidaire. Parce qu`en fin de compte, vous avez été mon Président pendant cinq ans, puis mon chef d`Etat pendant 5 autre ans. Depuis le 28 novembre 2010, vous êtes mon Past Président. Désormais, vous savez ce que ce terme veut dire, je ne reviendrai pas là-dessus, parce que je sais que vous comprenez très rapidement, et donc que pour cela, il faut vous expliquer longuement.

Monsieur le Past Président,

Vous vous attendez peut-être à ce que je décrypte votre discours " indiscourable " de vendredi. Je ne le ferai pas. Je le ferai peut-être demain, peut-être après-demain, peut-être jamais. La raison est simple : je n`accorde aucun intérêt à ce discours, pas plus que je ne me préoccupe aujourd`hui de ma première chaussette d`écolier. Je n`attendais rien de votre discours. Personne n`y attendait rien. A preuve, personne n`a osé vous répondre à un haut niveau. Cela fait longtemps que votre parole ne vaut que dalle. Vous le savez certainement, vu le temps interminable entre le jour où vous avez annoncé votre discours et le jour où vous l`avez prononcé.

Je voudrais simplement vous dire quelque chose, pour aujourd`hui. Une seule chose. Auparavant, souffrez que je vous confie un sentiment personnel. Le jour où vous voyez votre vice-président, l`homme qui prétend être plus jeune que notre Drogba National (je reviendrai sur cette forfaiture, ultérieurement), celui qui a mis onze ans à l`université pour obtenir une licence dont l`ex-ministre FPI pur sang de l`Enseignement supérieur, a dit qu`elle était volée, dites-lui que son appel prétendument historique, qu`il a chanté à longueur de journée, jusqu`à samedi, est vraiment risible. Au fait, qu`est-ce qui n`est pas risible chez lui, à part la machette qu`il sait faire manier prestement ? Etant donné que vous vous voyez tous les jours lors du conseil quotidien de guerre (eh oui, ne soyez pas étonné, je le sais, c`est la raison pour laquelle, les organisations internationales vous accusent directement quand il y a des massacres, parce qu`elles savent que rien n`est improvisé dans votre camp, quand il s`agit de ces choses), dites-lui de méditer sur le sort et le cas de Georges Rutagunda, le tout-puissant patron des Interahamwe rwandais. Les deux ont à peu près le même parcours, à peu près le même profil et à peu près les mêmes attitudes. Tout le mal que je pourrais lui souhaiter, c`est qu`il ne connaisse pas le sort et la fin de M. Rutagunda.

Monsieur le Past Président,

Voici ce que je tiens à vous dire aujourd`hui : vous êtes mal barré. Il n`y a pas d`issue pour vous et vous le savez, le drame, c`est que vos supporters l`ignorent ou feignent de l`ignorer. Ce sont eux que je plains.
Voyez-vous, l`Onu a autorisé l`usage de la force légitime contre le colonel Kadhafi en Libye. Et ça, ce n`est pas du tout bon pour vous. Je parie 100.000 FCFA contre 1.000 FCFA que les chefs d`Etat de la Cedeao qui se réunissent jeudi à Abuja, vont demander à l`Onu d`autoriser l`usage de la force contre vous. Je peux avoir tort, mais je tiens le pari.
Vous êtes arrivé à cette étape où vous vous accrochez à n`importe quel petit espoir. Il en est ainsi de la décision de la Cour de justice de la Cedeao qui interdit tout recours à la force en Côte d`Ivoire. Une décision sur la forme et non dans le fond, car dans le fond, vous savez que vous n`êtes pas la Côte d`Ivoire, mais M. Gbagbo. Mais bon, si cela peut vous réconforter le temps d`une journée, c`est tant mieux. Je vous ai déjà dit que vous alliez vous accrocher à n`importe quel espoir, pour vous convaincre que vous allez vous en sortir. Mais vous ne vous en sortirez pas et vous le savez.

Monsieur le Past Président,

Avant de vous quitter, j`aimerais vous confier une mission. Si vous voyez celui que vous appelez votre Premier ministre à qui j`ai dû remonter les bretelles, il y a quelques mois à San Pedro, lors d`un colloque sur le cinquantenaire (tout ce qu`il disait tournait autour de : " c`est la France qui fait qu`on n`est pas ceci, qu`on est ceci … ". Agacé par ce manque flagrant d`arguments d`un homme que je considérais jusque-là, comme un intellectuel de haut niveau, j`ai dû lui répondre, de façon très crue que c`est certainement la France qui nous empêche de nous coiffer.

Si vous le voyez (vous vous voyez rarement. Il doit même prendre rendez-vous pour vous voir, ce qui l`agace mais il n`a jamais bronché car il n`a pas le coffre du protestataire), dites-lui que je suis davantage déçu de lui. Cela fait plus de 50 jours que le système financier est bloqué et lui, le grand professeur d`économie, est incapable de mettre en place un petit système de télé-compensation pour faire tourner correctement les rares banques qui ouvrent leurs portes pour la forme. Passez aussi le mot à celui que vous appelez votre ministre de l`Economie. Lui, je ne connais pas son nom, je n`ai jamais vu sa photo ni vu son image à la télé et je ne veux pas perdre mon temps à aller sur Internet pour savoir comment il s`appelle. Dites-leur que dans les quartiers d`Abidjan, des gens bien réfléchis commencent sérieusement à douter de leurs diplômes. Et ces gens commencent à se demander s`ils n`ont pas emprunté le chemin très connu de votre vice-président pour les obtenir.

Monsieur le Past Président,

Avant de nous quitter, je vous invite à réfléchir encore pour opérer le bon choix, le choix juste. Chaque jour, je vous le répéterai. Vous êtes allé certes loin. Mais il est encore temps de sortir dans la dignité mais la tête basse, de l`impasse politico-judiciaire dans laquelle votre goût insaisissable pour le pouvoir et les oripeaux du pouvoir vous ont enfermé, plutôt que d`en sortir, non seulement humilié et honni, mais maudit. Vous êtes mal barré, mais pas encore définitivement perdu.
A demain, si Dieu le veut. Qui vivra verra !

André Silver Konan
kandresilver@yahoo.fr

lundi 21 mars 2011

Côte d'Ivoire : le mystère Mangou

Laurent Gbagbo s’en méfie, mais ne peut pas s’en passer ; Alassane Ouattara le courtise, mais ne parvient pas à le retourner... Depuis le second tour de la présidentielle, le chef d’état-major des armées Philippe Mangou est un homme très demandé. Portrait.
Ralliera, ralliera pas ? Les semaines qui ont suivi le second tour de la présidentielle, le 28 novembre, Philippe Mangou a été très sollicité. À la tête de l’armée ivoirienne depuis 2004, il est l’un de ceux dont la fidélité permet à Laurent Gbagbo de se maintenir au pouvoir. Alassane Ouattara, vainqueur dans les urnes, lui a d’abord envoyé le général à la retraite Abdoulaye Coulibaly pour tâter le terrain, avant que le Premier ministre, Guillaume Soro, ne lui fasse des propositions plus explicites. Dans le camp du président élu, nombreux sont ceux qui pensaient que le général quatre étoiles se placerait du côté de la légitimité démocratique et accepterait une reconduction – inespérée – à son poste. Mais le 21 janvier, à la Radio Télévision ivoirienne (RTI), le militaire douchait leurs espoirs en révélant qu’il avait été approché et qu’il avait refusé l’offre.
Depuis, le général Mangou fait régulièrement la une des organes de presse proches du régime de Laurent Gbagbo. On le voit esquisser quelques pas de danse aux côtés de Charles Blé Goudé, nommé ministre de la Jeunesse, lors d’un meeting de soutien au président sortant. Ses déclarations sont sans équivoque : « Laurent Gbagbo, explique-t-il, est celui que le Seigneur a choisi en ce moment crucial de l’histoire de ce pays pour lui donner sa souveraineté et sa dignité. » Aucune ambiguïté non plus lorsqu’il déclare : « Je sais où j’étais et d’où le président m’a enlevé pour faire de moi ce que je suis aujourd’hui. Je ne peux pas le poignarder dans le dos. »
Le camp Ouattara a-t-il fait preuve de naïveté en espérant retourner le général Mangou ? Peut-être. Le chef d’état-major n’a jamais fait mystère du peu de sympathie que lui inspire Alassane Ouattara. Dans ses discours, il le dépeint souvent indirectement comme une sorte de « péril ». En outre, racontent ceux qui l’ont côtoyé, l’homme est fier et tient à sa dignité. Il a obtenu ses étoiles de général durant la guerre contre la rébellion. « Mangou, c’est un Ébrié, un chrétien de la région des Lagunes. Sa sphère sociologique est donc en grande partie pro-Gbagbo et il pourrait craindre d’être renié par les siens s’il changeait de camp », résume un journaliste ivoirien.
Athlétique et portant beau
Né le 26 janvier 1952, Philippe Mangou grandit au sein d’une famille méthodiste de Yopougon-Kouté, à Abidjan. Son père, François Koutouan Mangou, est pasteur. Ses revenus sont modestes, mais il jouit du prestige de la soutane et d’un fort réseau relationnel, y compris dans les milieux du pouvoir et de l’argent. Inscrit au Collège moderne du Plateau, puis au Lycée classique d’Abidjan, le jeune Philippe est athlétique et porte beau. D’abord tenté de suivre la carrière de son père, qu’il suit dans toutes ses tournées, il devient choriste, s’essaie à la prédication, mais ne se sent jamais « appelé ». Il rejoint donc l’Université de Cocody, où il obtient un diplôme en droit avant d’intégrer l’École des forces armées de Bouaké, en 1978. À sa sortie, il est affecté au bataillon blindé d’Akouédo, près d’Abidjan. Son père n’y trouve rien à redire. « Mon fils et moi faisons le même job, déclarera-t-il plus tard. Je prie pour l’âme du peuple, et mon fils défend le peuple. » Le jeune homme poursuit une formation en stratégie militaire à l’École d’état-major de Compiègne, en France, et intègre en 1991 la garde républicaine d’Abidjan en qualité de commandant en second du 1er bataillon blindé. Il y demeure jusqu’en décembre 1999, jusqu’à ce que son destin bascule dans la foulée du coup d’État du général Robert Gueï.
Philippe Mangou n’est pas une des « fortes têtes » qui composent le Comité national de salut public (CNSP). Ses positions républicaines et favorables au président renversé, Henri Konan Bédié, lui valent d’être mis aux arrêts et torturé. Ses geôliers lui raseront la tête avant de lui verser de la soupe bouillante sur le crâne. Ils le battront régulièrement et l’enrouleront de barbelés avant de le piétiner. « Ils nous tuaient à petit feu, racontera-t-il par la suite. À certains moments, les douleurs étaient intenses. Pendant qu’ils nous torturaient, ils chantaient. »
Il est encore en prison lorsque sa femme, enceinte de leur sixième enfant, reçoit la visite des hommes de Gueï. Les soldats pillent et cassent une grande partie des biens de la famille, menacent de tuer le petit dernier et leur donnent vingt-quatre heures pour libérer les lieux. Du fond de son cachot, Philippe Mangou dit n’avoir jamais cessé de prier. Aujourd’hui encore, il fait partie du conseil paroissial de l’église méthodiste du Jubilé, près de la résidence présidentielle, à Abidjan. Et s’il affirme avoir pardonné à ses geôliers, « grâce à Dieu », il n’a pas oublié que certains des mutins de l’époque – dont le commandant Issiaka Ouattara, alias Wattao – sont aujourd’hui des cadres de l’ancienne rébellion des Forces nouvelles (FN).
Au front, en gilet pare-balle
Octobre 2000. Le régime du général Gueï vacille. Des coups de feu sont tirés à proximité de la prison. Mangou et quelques-uns de ses compagnons d’infortune s’évadent. Quelques mois plus tard, il entre au ministère de la Défense – dirigé par un faucon du Front populaire ivoirien (FPI, au pouvoir), Moïse Lida Kouassi – comme sous-directeur chargé de la doctrine et de l’emploi. Mais c’est le 19 septembre 2002, jour du coup d’État manqué, qu’il se fait remarquer. « Au camp Gallieni, lorsque, ayant délivré mon message, je demande s’il y a des volontaires pour aller au front, un jeune officier supérieur se déclare prêt à conduire les troupes au combat : il s’agit du lieutenant-colonel Philippe Mangou ! », raconte Moïse Lida Kouassi dans son livre Témoignage sur la crise ivoirienne. On le nomme finalement porte-parole des Forces armées nationales de Côte d’Ivoire (Fanci), puis il est envoyé au front, à Yamoussoukro.
La reconquête est difficile et l’interposition des forces impartiales scelle la partition de facto du pays. Mais qu’importe : devant la troupe et les Ivoiriens, Mangou a fait la preuve de son courage. On l’a souvent vu au plus près des combats avec son gilet pare-balle et son bâton de commandement. Il est repéré par Kadet Bertin, puissant conseiller à la sécurité de Laurent Gbagbo, et par le président lui-même. D’abord très proche du chef d’état-major de l’époque, le général Doué, il s’émancipe progressivement de son mentor. Il devient l’une des pièces maîtresses de l’opération Dignité, qui a conduit au bombardement d’un camp français à Bouaké, en novembre 2004, et, en représailles, à la destruction d’une bonne partie de l’aviation ivoirienne. La France, dont les chars encerclent la résidence présidentielle, est à deux doigts de déposer Gbagbo en demandant au général Doué de prendre le pouvoir. Mangou rencontre alors le général Poncet, chef de l’opération Licorne. « Prions », lui propose l’officier français. Les deux hommes se tournent vers le Ciel pendant une dizaine de minutes. La discussion qui suit est franche. C’est là, affirmera Mangou, qu’il obtient que les soldats tricolores regagnent leur caserne, à Abidjan.
Suspecté de connivence avec l’ennemi, Doué est limogé. Le poste est proposé à Mangou, qui accepte. Dans un premier temps, le nouveau chef d’état-major conserve des liens avec son ancien mentor, puis cesse tout contact. À Abidjan, on parle de parricide. Mangou parvient à faire revenir dans le giron de l’armée son ex-porte-parole, entré en dissidence, Jules Yao Yao, mais ne peut empêcher la bastonnade du colonel major Bakassa Traoré. Soupçonné de trahison, il est passé à tabac par des hommes de la garde républicaine à la sortie d’un repas à la résidence de France. Il décédera quelques jours plus tard.
Devenu un personnage incontournable du camp présidentiel, Philippe Mangou incarne la résistance face à l’oppresseur. Simone Gbagbo l’a pris en affection. Lors des événements de novembre 2004, elle ne cesse de demander de ses nouvelles.
Il prend la tête de l’armée, avec le grade de colonel-major. Un mois plus tard, il est promu général de brigade, puis général de division en 2007. Avec son « homologue », Soumaïla Bakayoko, chef d’état-major des FN, il gère le volant militaire de l’accord de Ouagadougou. Charismatique, fin diplomate, il entretient de bons rapports avec les anciens rebelles, les comzones (les commandants de zone) et leurs représentants politiques. « On lui donnerait le bon Dieu sans confession, témoigne un proche de Soro. Il donne l’image d’un homme pieux, respectueux des convenances. Il est courtois, ne prononce jamais un mot plus haut que l’autre. On ne s’attend pas toujours à cela de la part d’un militaire. » Bon an mal an, les frères d’armes font mine de se réconcilier. Des gestes symboliques au début, puis une vraie collaboration au sein du Centre de commandement intégré, mais la confiance n’est jamais totale.

Sous l'autorité de Mangou, des unités difficilement contrôlables (cliquer pour agrandir)

L’argent et les honneurs
On prête à Mangou de s’être lui-même enrichi en investissant notamment dans l’immobilier. Loin de l’image du protestant rigoriste, il a pris goût à l’argent et aux honneurs. Il possède trois résidences à Abidjan, raffole des montres de luxe et des bolides sophistiqués, qu’il conduit lui-même.
Jusqu’où est-il allé dans les négociations avec Guillaume Soro ? À en croire les FN, Mangou aurait pris l’engagement de ne pas tuer, notamment lors de la marche des partisans d’Alassane Ouattara, le 16 décembre 2010. Préférant ne pas intervenir directement, il aurait demandé au chef du gouvernement de faire entendre raison au président sortant. Il aurait aussi dit à Soro que la manière – très clanique – dont Laurent Gbagbo gérait ses hommes le laissait perplexe. Info ou intox ?

Avec Laurent Gbagbo, le 7 août 2010, pour le cinquantième anniversaire de l'indépendance.
©AFP
L’homme entretient le mystère. Mais aujourd’hui, on se méfie de lui aussi bien du côté de Gbagbo que de celui de Ouattara : Mangou est un chef d’état-major sous surveillance. « Un général, il vous fait le garde-à-vous, la minute suivante il peut vous faire un coup d’État », aime à deviser Laurent Gbagbo. Au début des années 2000, il avait déjà souvent soin de court-circuiter le général Doué. Il passait par des officiers de terrain, fougueux et disposés à se battre. Ceux-là mêmes que les médias ivoiriens appelaient « la légion de l’honneur » et dont Philippe Mangou faisait partie.
Aujourd’hui, c’est Mangou que ­Gbagbo contourne, en utilisant d’autres officiers supérieurs, considérés comme plus va-t-en-guerre ou plus audacieux. Parmi eux, Bruno Dogbo Blé, patron de la garde républicaine, et Guiai Bi Poin, le chef du Centre de commandement des opérations de sécurité (Cecos). La tactique est simple : il faut empêcher qu’un seul de ces hommes ne contrôle l’ensemble de l’armée. Mangou n’est pas non plus consulté pour les achats d’armes et d’équipements. Certains de ses adjoints ont senti le vent tourner et le défient ouvertement. Même Simone Gbagbo le bat froid, excédée par les bijoux en or qu’il arbore de manière trop ostensible. La première dame n’a pas oublié ce 7 août 2008, quand, pour les fêtes de l’indépendance, le patron de l’armée est arrivé au palais en grosse cylindrée, alors que les militaires ivoiriens se plaignaient du non-paiement de certaines de leurs primes.
« Tout sauf Ouattara »
Les mois ont passé mais Mangou n’a plus la cote. En février 2010, la presse d’opposition a laissé entendre que Laurent Gbagbo voulait le limoger dans la foulée de la double dissolution du gouvernement et de la Commission électorale indépendante (CEI), dirigée par Robert Beugré Mambé. Les FN prétendent que Mangou s’en est même ouvert au général Bakayoko, qui lui a conseillé de prendre ses responsabilités.
Le fils de pasteur, légaliste et républicain, n’a pas bougé une oreille. Ce qui fait dire aujourd’hui à certains diplomates qu’il n’entrera dans l’arène que si Gbagbo lui donne son feu vert, dans une logique du « tout sauf Ouattara ». Ou s’il est hors course. Le général pourrait alors prendre les devants, s’il estime que la survie de la nation est en jeu.

CFL@InfoContinueCI: Les FN prennent la localité de Bloléquin !

http://obenyhoro.blogspot.com/2011/03/les-fn-prennent-la-localite-de.html?spref=bl: "Les rebelles sont entrés à 04H00 à Bloléquin après d’intenses combats', a indiqué un milicien combattant avec les soldats des forces armées ..."

Les FN prennent la localité de Bloléquin !

Les rebelles sont entrés à 04H00 à Bloléquin après d’intenses combats", a indiqué un milicien combattant avec les soldats des forces armées fidèles à Laurent Gbagbo.
"J’ai fui les combats, j’ai quitté Bloléquin, je suis arrivé à Guiglo (à une cinquantaine de km à l’est). Ils sont à Bloléquin, ils ont pris Bloléquin", a confirmé un habitant de la localité prise par les combattants pro-Ouattara.
Les Forces nouvelles (FN), ex-rébellion alliée à M. Ouattara et contrôlant le nord du pays depuis leur coup d’Etat manqué de 2002, ont confirmé avoir pris la ville.
"Nous avons été attaqués à Doké (localité à une dizaine de km à l’ouest) avant-hier (samedi), nous les avons repoussés jusqu’à Bloléquin et actuellement nous avons pris Bloléquin et sommes en train de faire le ratissage", a indiqué le porte-parole militaire des FN, Seydou Ouattara.
Frontalier du Liberia, l’Ouest ivorien est l’un des théâtres des combats depuis février entre les deux camps, avec Abidjan où la flambée des violences nées de la crise post-électorale fait craindre une guerre civile.

CFL@InfoContinueCI: Appel à la guerre civile de Gbagbo : Attention Rhd...

http://obenyhoro.blogspot.com/2011/03/appel-la-guerre-civile-de-gbagbo.html?spref=bl: "Les miliciens de LMP sont présents, à Daloa, à Gagnoa, à Sassandra, à San Pedro, à Soubré, à Yamoussoukro, à Dimokro etc. si vous ne prenez ..."

Appel à la guerre civile de Gbagbo : Attention Rhdp, le génocide va se déployer à l’intérieur du pays

Les miliciens de LMP sont présents, à Daloa, à Gagnoa, à Sassandra, à San Pedro, à Soubré, à Yamoussoukro, à Dimokro etc. si vous ne prenez pas garde, il aura un génocide très bientôt. Il faudra donc envoyer l’ONUCI dans les quartiers sensibles de ces villes, croyez-moi, les massacres d’innocents civils dans la capitale ne seront rien à côté de ce qui est en train d’être mis en place par les frontistes. Ne dites pas que vous ne saviez pas, car les miliciens armés sont prêts, ils n’attendent que Gbagbo soit arrêté pour rentrer en action. S’il n’y a pas de protection de l’ONUCI pour les populations civiles sans défense, ça va être Rwanda bis. Vous savez bien que quiconque, que les militants de RHDP, en tout cas la majorité habite dans les quartiers populaires qu’on appelle ici et là Dioulabougou ou Dioulakro, Sokoura ou encore quartier mosquée etc. donc dans les villes contrairement aux militants de LMP qui eux vivent dans les villages et ces villages ont été vidés au profit d’Abidjan pour soutenir le régime de Gbagbo.

Ces populations dans ces villes constituent votre électorat, elles sont assassinées à cause de vous. Elles payent de leur vie pour vous avoir choisi aux élections. Cette même population est tuée chaque jour sous vos yeux, nos mères, nos sœurs, nos filles, nos jeunes garçons, des vieillards, des gens sans défense et vous attendez toujours. Si vous avez décidé d’attendre, faites en sortes qu’on ne les tue pas gratuitement, sinon vous RHDP serez aussi comptable de ces crimes, car celui qui assiste au crime à ne rien faire et celui qui commet le crime, il n’y a qu’un pas.

J’accuse l’UA, CEDEAO, L’ONUCI, le conseil de sécurité, ils seront tous comptables des crimes de Gbagbo. Il y a des présidents de la sous-région qui comptent imposer le même scenario de Gbagbo dans leur pays. Alors ceux-là ne veulent pas d’intervention militaire. On comprend donc leur désitratât, perdurer la crise. RHDP doit agir, vite et vite pour enlever Gbagbo, sinon plus on lui donne du temps, plus il est entrain d’organiser le génocide et vous au RHDP, vous n’avez aucun plan de prévention pour protéger la population civile contre ce drame génocidaire en préparation. En tout cas, le cas d’Abidjan est légion. Si vous décidé de ne rien faire contre Gbagbo, prévenir le génocide dans ce cas. Je propose qu’on détruise dès à présent les quatre antennes émettrices de la télé-pro Gbagbo (télé mille collines). Il sera isolé et le travail sera facile par la suite. Vous risquez d’être comptable des crimes de Gbagbo, si vous ne faites rien. Une personne avertie en vaut deux.

L'ONUCI doit intervenir, le schema de guerre civile à nos porte.

Alors que la guerre civile menace la Côte d'Ivoire, l'Onuci est tentée de répondre à l'appel du président élu Alassane Ouattara et de se départir de sa neutralité dans la crise postélectorale. Mais le camp du président sortant Laurent Gbagbo compte sur l'implication des Casques bleus dans les combats pour provoquer un sursaut favorable à son régime.
L'ONU, qui a pour mission de garantir la sécurité des civils et l'intégrité du processus électoral ivoirien, sera-t-elle amenée à intervenir militairement dans la guerre civile naissante en Côte d'Ivoire ? La question est d'autant plus d'actualité que ses convois sont régulièrement la cible d'attaques menées par des partisans du président sortant Laurent Gbagbo et que, désormais, le camp de Alassane Ouattara réclame ouvertement cette option.
« L'ONU doit passer à l'action pour libérer la Côte d'Ivoire et donner un sens à la certification [par l'ONU] de l'élection [présidentielle]. Le président Ouattara ne peut pas gouverner, il faut lui donner les moyens de gouverner », a plaidé la porte-parole de ce dernier, Anne Ouloto, qui affirme que « Laurent Gbagbo est en train de tendre un piège au président Ouattara, c'est celui de la guerre civile. Mais le président Ouattara ne veut pas tomber dans ce piège ».
Populations en danger
Comptant quelque 10 000 hommes, l'Onuci « a les capacités logistiques et humaines pour protéger les civils. Nous demandons à l'ONU de faire vite, les populations sont en danger. Il faut qu'elle sache prendre ses responsabilités », ajoute Anne Ouloto, qui a sans doute bien reçu le message envoyé samedi par le ministre français des Affaires étrangères, Alain Juppé. Celui-ci avait estimé que l'Onuci « devrait jouer son rôle plus efficacement », allant jusqu'à rappeler que son mandat « permet d'utiliser la force ». Le contexte s'y prêterait : les affrontements se multiplient dans le pays - la crise post-électorale a déjà fait près de 440 morts, selon l'ONU - et les civils sont souvent pris à partie par le camp présidentiel.
Mais depuis quelques jours, le camp Ouattara a un argument supplémentaire. « On ne peut pas comprendre que la communauté internationale se soit mobilisée pour la Libye et qu'elle ne puisse pas prendre des décision ferme sur la Côte d'Ivoire. Et il faut le faire immédiatement, c'est une question de vie ou de mort », insiste Anne Ouloto, qui dénonce également l'appel lancé par  Charles Blé Goudé à la jeunesse pour qu'elle s'engage dans l'armée pro-Gbagbo « afin de libérer la Côte d'Ivoire (des) bandits ».
Pour la porte-parole de Ouattara, « c'est un signe que Laurent Gbagbo est aux abois. Il lance des appels de détresse, c'est la preuve que l'armée l'a lâché, que l'armée se désolidarise de ses actes de barbarie. Il est obligé de se rabattre sur une jeunesse désœuvrée et désemparée ». Expliquant que « armer des jeunes est suicidaire, c'est conduire les jeunes à l'abattoir », elle préfère appeler de son côté « les jeunes à la mobilisation contre la guerre civile ».