jeudi 5 mai 2011

Côte d'Ivoire : IB emporte avec lui ses secrets

/2011 à 13h:01 Par Pascal Airault et Baudelaire Mieu
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IB, un serial putschiste très encombrant. IB, un serial putschiste très encombrant
 
Le chef du mystérieux « commando invisible », Ibrahim Coulibaly, a été exécuté par ses anciens frères de la rébellion ivoirienne dans la soirée du 27 avril.
« C’était un chien fou, capable de tous les coups », disait de lui Jean-François Cazé, le mercenaire français impliqué avec Ibrahim Coulibaly (IB) dans la tentative avortée de déstabilisation de décembre 2007. Le plus célèbre putschiste de Côte d’Ivoire a été tué par ses anciens frères de la rébellion dans la soirée du 27 avril. Selon le ministère ivoirien de la Défense, il avait refusé, le matin même, de se rendre à un troisième rendez-vous de conciliation. L’ex-sergent-chef de l’armée était réapparu en janvier 2010 à Abidjan à la faveur de la crise postélectorale. Il était le chef du « commando invisible », un mystérieux groupe armé de cinq cents hommes opposé aux forces fidèles à Laurent Gbagbo et qui avait pris le contrôle du quartier d’Abobo, dans le nord d’Abidjan. Revendiquant sa part dans la chute du président sortant, il avait demandé, sans succès, à rencontrer Alassane Ouattara. Selon l’entourage d’IB, Guillaume Soro, l’actuel Premier ministre, avait mis son veto.
Le 27 avril au matin, les commandants des Forces nouvelles (FN, pro-Soro), Morou Ouattara, Hervé Touré « Vetcho » et Chérif Ousmane, ont rapidement pris le contrôle d’Abobo et réussi à l’encercler dans une résidence à la lisière de la commune d’Anyama. « Je suis très préoccupé et occupé, je vous rappelle dans quelques minutes », confiait-il à J.A. deux heures avant sa mort. Il avait demandé la protection des soldats de l’ONU. Une escorte onusienne était même en route quand le camp Soro lui a demandé de rebrousser chemin. « Il s’est rendu puis ils l’ont ligoté et torturé pour lui extorquer des aveux [NDLR : qui l’a fait revenir en Côte d’Ivoire ? Qui le finançait ?] avant de l’exécuter sommairement », nous a indiqué un membre de sa famille. IB mort, c’est une partie des secrets des derniers putschs de Côte d’Ivoire qui se sont envolés avec lui.
Né le 24 février 1964 à Bouaké, IB intègre l’armée en 1985. Affecté à la garde personnelle de plusieurs personnalités, il est l’un des artisans du renversement d’Henri Konan Bédié, le 24 décembre 1999. Après avoir contribué à installer au pouvoir le général Gueï, il se brouille avec lui. Ce dernier l’écarte en le nommant attaché militaire au Canada.
Étrange libération
IB participe aussi, en janvier 2001, au complot de la « Mercedes noire », visant à destituer Gbagbo. Le coup échoue. Il se rend alors au Burkina, où il prépare le putsch du 19 septembre 2002. Mais il entre en conflit avec Soro, plus politique, qui l’évince de la rébellion. IB se réfugie alors en France, où il est arrêté en septembre 2003. Accusé de fomenter un nouveau coup de force contre Gbagbo, il est curieusement libéré après vingt et un jours de détention et s’évanouit dans la nature. Son exil le mène au Bénin et au Ghana. Pour Soro, IB est derrière une série de tentatives visant à l’éliminer, notamment le mystérieux coup d’État avorté de décembre 2007, « Noël à Abidjan ». Le militaire souhaitait pourtant faire son entrée en politique et se présenter à la présidentielle. Mais Soro s’y est toujours opposé.
Comment a-t-il pu réapparaître à Abidjan ? Certains affirment que Gbagbo l’a fait revenir mais qu’il s’est retourné contre lui, d’autres que Ouattara et les services français l’auraient armé pour organiser la résistance au président sortant. Toujours est-il qu’IB a toujours pu circuler dans la sous-région malgré deux condamnations des tribunaux français et un mandat d’arrêt international lancé par la Côte d’Ivoire en janvier 2008.
« Je présente mes condoléances à sa femme, à ses enfants, a déclaré le président Alassane Ouattara. C’est un jeune homme qui a été garde du corps chez moi. Bien entendu, des choses se sont passées… Cela est regrettable. »
Si la mort d’IB en arrange beaucoup, pas sûr que le temps des « petits meurtres entre amis » soit révolu…

mardi 3 mai 2011

Ces Premières dames qui creusent la tombe de leur mari

Souvent, les Premières dames sont les premiers drames de leur mari. Leurs frasques ont fréquemment contribué à leur chute. Petite galerie de ces «femmes fatales» d'Afrique et d'ailleurs.

Leïla Trabelsi, Simone Gbagbo, Constancia Obiang, Grace Mugabe.


Grace Mugabe, la disgrâce des Zimbabwéens
«Est-ce un crime que de faire du shopping?» Voilà comment l’épouse du président du Zimbabwe a récemment tenté de minimiser les nombreuses critiques sur son train de vie extravagant. Une formule qui s’ajoute à celle, toute aussi sidérante, qu'elle adresse à un journaliste qui l’interrogeait sur son goût prononcé pour les chaussures de luxe:
«J’ai les pieds très fins. Je ne supporte que les Ferragamo.»
Tout est dit, dans ces deux phrases, sur la folie des grandeurs de l’épouse de Mugabe.
Souvent comparée à Imelda Marcos, la femme de l’ex-dictateur philippin réputée pour sa collection impressionnante de chaussures, Grace Mugabe aime faire les magasins de luxe. Ses points de chute avant que son mari et elle ne deviennent persona non grata en Europe et aux Etats-Unis en 2004, étaient Paris, Londres, Rome et Milan —les grandes capitales européennes de la mode.
On la surnomme «Gucci Grace» ou «The First Shopper», la Première cliente. Mais à Harare, la capitale, tout le monde la désigne par le très savoureux «Disgrace», la Honte en anglais, en référence aux sommes folles qu’elle dépense dans les vêtements haute-couture et les bijoux, alors que les Zimbabwéens sont en proie à une précarité de plus en plus grande et à un chômage qui frappe 95% de la population. En 2003 par exemple, le quotidien britannique The Daily Telegraph rapportait une note de 81.000 euros qu’elle aurait réglée dans un magasin parisien.
Les folies de Grace Mugabe ne se limitent pas aux grands couturiers et autres bijouteries de luxe. La femme du président aime aussi la couleur de l’argent. Fin 2010, l’hebdomadaire zimbabwéen The Standard publiait des révélations de WikiLeaks faisant état d’un câble diplomatique américain la soupçonnant d’avoir gagné plusieurs millions de dollars grâce à la vente illégale de diamants issus de la mine de Marange, dans l’est du Zimbabwe. Influente et crainte par les pontes du régime, «Disgrace» peut facilement faire décaisser des sommes aussi étourdissantes que six millions d’euros en liquide de la Banque centrale zimbabwéenne pour un achat pressant.
Depuis son mariage en grandes pompes en 1996 avec Robert Mugabe (12.000 invités), elle s’est fait construire le très controversé Graceland, une immense propriété qui aurait été revendue par la suite au chef d'Etat libyen Mouammar Kadhafi. Elle s’est également fait bâtir un autre palais dont la construction aurait coûté près de 18 millions d’euros. Ses villas en Asie ne se comptent plus, depuis que son mari et elle en ont fait leur nouvelle destination favorite. Selon le Sunday Times, elle viendrait ainsi d’acquérir une villa de deux étages dans la banlieue chic de Hong Kong pour la modique somme de trois millions d'euros.
Si le pouvoir de Mugabe tient toujours, l’influence et les frasques de Grace auront tout de même contribué à mettre le régime au ban de la communauté internationale.

Constancia Obiang, la nouvelle riche de Malabo

Il fut une époque où la Première dame équato-guinéenne n’avait d’autre choix pour faire ses emplettes que les grands magasins de Yaoundé, la capitale camerounaise. A l'époque son mari, le président Teodoro Obiang Nguema, empruntait pour ses voyages à l’étranger l’avion présidentiel du Camerounais Paul Biya. Mais surtout, tout ça c’était avant la découverte à la fin des années 90 d’importants gisements de pétrole dans ce petit pays d’Afrique centrale.
Depuis, la Guinée équatoriale s'est transformée en un véritable eldorado qui produit 350.000 barils de pétrole par jour. Une manne qui fait de Constancia Obiang une nouvelle riche décomplexée, manifestement impatiente de hisser la taille de sa garde-robe au niveau de certaines de ses homologues. Aujourd’hui, ce ne sont plus les vendeurs des boutiques de prêt-à-porter à Yaoundé qu’elle part impressionner, mais plutôt les joailliers de la place Vendôme à Paris et les grands couturiers internationaux qu’elle affole avec ses dépenses faramineuses. Elle sillonne Londres, Rio de Janeiro et Malibu, collectionnant au passage véhicules de luxe et villas cossues, dépensant sans compter la fortune qu’elle a accumulée avec son mari en seulement quelques années, depuis le boom pétrolier équato-guinéen.
Selon le magazine américain Forbes, la fortune des Obiang est aujourd’hui estimée à 600 millions de dollars (405 millions d’euros). Ce qui en fait l’un des couples présidentiels les plus riches au monde. Un patrimoine acquis grâce à l’exploitation de l’or noir mais aussi, selon certains, issue du trafic de drogue. En 1997, l’International Narcotic Board classait la toute petite Guinée équatoriale parmi les 9 plus grands narco-Etats d'Afrique.
La Première dame du pays cultive une apparente discrétion et multiplie les actions dans l’humanitaire et la protection de l’enfance. Elle a fait construire une grande clinique privée à Malabo, La Virgen de Guadalupe, et une autre à Mongomo, le village natal des Obiang. Elle a créé le Comité d’Appui à l’enfant Equatoguinéen ainsi qu'une fondation pour la promotion des femmes et une autre pour la lutte contre le sida.
Peu présente sur le devant de la scène politique, pour les adversaires du régime Constancia Obiang est en réalité celle qui manœuvre tout depuis les coulisses du palais présidentiel. Un palais où deux employés paraguayéens qui géraient sa fortune lui ont dérobé en 2009 la rondelette somme de 4 milliards de francs CFA en liquide (6,1 millions d’euros), plus de nombreux bijoux. Pendant ce temps, les quelques 600.000 habitants du pays croupissent dans une pauvreté endémique. L’épouse de Teodoro Obiang détiendrait également des capitaux dans la plupart des entreprises de bâtiments et travaux publics —toutes étrangères— installées dans le pays.
Une boulimie de pouvoir couplée à une orgie consommatrice. Aussi rusée que son mari, d’où son surnom, «Zé» (la panthère en Fang, la langue du terroir), elle a contribué à instaurer une véritable oligarchie en Guinée équatoriale, plaçant des membres de sa famille à tous les postes stratégiques. Sur les 68 ministres du gouvernement, 11 sont issus du clan présidentiel. Elle essaierait même de jouer de son influence pour faire du sulfureux Teodorin Obiang, leur premier fils et actuel ministre de l’Agriculture et des Forêts, le successeur de son mari à la présidence de la République. Seulement, en Guinée équatoriale, les histoires de famille finissent toujours mal. L’époux de Constancia est arrivé au pouvoir en 1979, en renversant son oncle Macias Nguema. L’histoire se répétera-t-elle ?

La Messaline de la lagune Ebrié

«Sorcière! Guenon! Escadron de la mort!» Après avoir plusieurs fois échoué à déloger Laurent Gbagbo de son bunker d'Abidjan, les soldats pro-Ouattara n’en revinrent pas durant leur dernier assaut de tomber face à face avec celle qui, pour eux, est l’incarnation même du mal. Les images de Simone Gbagbo jetée à terre, molestée par des soudards dépareillés posant avec elle comme un douteux trophée de guerre, dans une posture extrêmement dégradante, témoignent du degré de haine qu’inspirait l’ex-Première dame ivoirienne. Cette brutalité des hommes de troupe contrastait avec la retenue dont les commandants des Forces républicaines de Côte d'Ivoire (FRCI) ont fait preuve avec son mari. Pouvait-il en être autrement?
Pour beaucoup d’Ivoiriens, c'est cette dame de fer au physique ingrat, qui exerçait un pouvoir maléfique sur son mari, qui a entraîné Laurent Gbagbo dans sa descente aux enfers —et la Côte d’Ivoire dans l’abîme. C’est qu’au contact du pouvoir, la fille du gendarme Jean Ehivet, membre d’une fratrie de 18 enfants, syndicaliste de choc dans les années 70 et cofondatrice du Front populaire ivoirien (FPI) dans la clandestinité, va se révéler sous son vrai jour: implacable avec tous les adversaires, réels ou supposés, de son mari.
Ainsi, députée du FPI, elle ne va pas tarder à incarner l’aile dure du parti aux côtés de «faucons» comme l’ancien Premier ministre Pascal Affi Nguessan, le président de l’Assemblée nationale Mamadou Koulibaly ou le leader des Jeunes patriotes Charles Blé Goudé. Ainsi, après l’insurrection nordiste de septembre 2002, elle n’hésitera pas à verser dans la vulgarité en menaçant les émissaires du régime partis en France, à Marcoussis, négocier avec une délégation de rebelles:
«Si nos maris signent n’importe quoi là-bas, à leur retour ils ne nous trouveront pas dans leurs lits!»
Après avoir survécu miraculeusement en compagnie de son mari à un grave accident de la route, cette catholique, sous l’emprise du très controversé pasteur Moïse Koré, va devenir une intégriste évangélique. Pour elle, c’est simple: la rivalité entre Laurent Gbagbo et Alassane Dramane Ouattara se résume à un combat entre le bien et le mal. Ainsi, selon Simone, «Dieu a donné la Côte d’Ivoire à Laurent Gbagbo». D’ailleurs, elle ne pardonnera jamais à son mari d’avoir épousé sa jeune et jolie rivale Nadiana Bamba, ancienne journaliste à Africa N°1, originaire du Nord musulman, qu’elle a réussi à écarter du palais après le premier tour de la présidentielle de 2010.
Simone est fortement soupçonnée, par l’entremise de son âme damnée et de son aide de camp le capitaine Anselme Seka Yapo, d’être impliquée dans les escadrons de la mort et dans la disparition du journaliste Guy-André Kieffer. Après la chute du président Gbagbo, la terrible Messaline du pays de la lagune Ebrié pourrait être traduite devant les tribunaux.

Leïla Ben Ali, la régente déchue de Carthage

Lorsque le général Ben Ali dépose le vieux dictateur impotent Bourguiba en 1987, il aurait mieux fait d’écouter un homme de l’ombre qui a longtemps parrainé sa carrière au sein de l’armée. Quand le nouveau président confie au mentor son désir d’épouser en secondes noces une humble coiffeuse du nom de Leïla Trabelsi, celui-ci, exprimant des réserves sur la jeune divorcée alors âgée de 30 ans, freine des quatre fers et le lui déconseille formellement. Amoureux comme il n’est pas permis, l’homme fort tunisien passe outre.
De son exil saoudien survenu après la «Révolution du jasmin» qui l’a chassé du pouvoir, Ben Ali doit aujourd’hui se mordre les doigts de n’avoir pas écouté son conseiller. Car pour tous les Tunisiens, c’est la très cupide Leïla Trabelsi et son clan qui ont entraîné un Président prometteur et travailleur dans les dérives. Un clan décrit comme «quasi mafieux» par l’ambassadeur américain à Tunis dans des câbles révélés par WikiLeaks; un clan qui, du transport aux assurances en passant par les banques, la communication et l’immobilier, avait mis le pays en coupe réglée. Les estimations les plus basses évaluent ainsi la fortune du couple Ben Ali à cinq milliards d’euros, placés sur des comptes bancaires à l’étranger.
D’après le quotidien français Le Monde qui cite des sources élyséennes, l’omnipotente épouse de l’ex-président tunisien aurait embarqué 1,5 tonne d’or pendant que son mari essayait encore de se maintenir au pouvoir. Une cupidité qui n’avait d’égale que l’influence que son clan et elle ont réussi à asseoir en une vingtaine d’années sur l’économie et le pouvoir en Tunisie. Un pouvoir qui semblait l’intéresser davantage que les affaires. Officiellement, Leïla Trabelsi gérait des œuvres caritatives et sociales au travers de son ONG Basma et la présidence de l’Organisation de la femme arabe. Elle a créé un lycée international privé avec Souha Arafat, veuve de l’ancien président de l’Autorité palestienne Yasser Arafat.
Mais en coulisses, elle a la mainmise sur le régime: elle nomme et démet hauts fonctionnaires, conseillers et ministres. Peut-être un désir de revanche sociale pour celle que Nicolas Beau et Catherine Graciet appellent «la régente de Carthage» dans leur ouvrage paru en 2009. Née en 1957 dans une famille pauvre de 11 enfants, Leïla Trabelsi passe son enfance dans la Médina de Tunis où elle devient coiffeuse. Elle se marie puis divorce trois ans plus tard avant d’entamer une longue relation avec Ben Ali. Cette relation aboutira à un mariage en 1992 et à l’émergence de la dynastie qui a régné sans partage à Tunis jusqu’à la Révolution de jasmin.

Elena Ceausescu, le mauvais génie des Carpates?

Quand elle est arrêtée ce triste matin de 1989 en compagnie de son mari dans la petite ville de Târgoviflte, à 50 kilomètres de Bucarest, après une fuite éperdue à travers la Roumanie, Elena Ceausescu ne semble pas encore réaliser ce qui se passe et admoneste les soldats venus l’alpaguer comme si elle s’adressait à des écoliers. Présentée à ses juges, la femme qui était encore quelques jours auparavant le personnage le plus craint de Roumanie continue de faire preuve de l’arrogance qui la caractérise. A l’issue d’un procès bâclé, elle est passée par les armes en compagnie de son dictateur de mari, Nicolae Ceausescu. Quand on relèvera leurs corps désarticulés, le nombre extrêmement élevé de douilles recueillies indiquera la volonté du peloton d’exécution d’en finir une bonne fois pour toutes avec le vieux couple maléfique.
Ancienne et modeste secrétaire au ministère des Affaires étrangères, Elena Ceausescu connaîtra une ascension fulgurante avec l’arrivée de son mari au pouvoir en 1965. Complexée par son niveau d’instruction très limité, elle va s’autoproclamer scientifique de haut niveau, s'accaparant de nombreuses distinctions fantaisistes. Parallèlement, elle monte en grade au sein du Parti communiste roumain et se voit même propulser au poste de vice-Premier ministre. Se mêlant de tout, elle sera à l’origine d’un décret controversé sur la suppression du contrôle des naissances qui provoquera une augmentation importante d’enfants non désirés par la suite abandonnés dans de misérables orphelinats.

Le film de la mort d'IB

Militaire ayant le grade d`adjudant à la garde républicaine, Dramé Abdramane se souvient encore de la journée où l`ex-sergent-chef Ibrahim Coulibaly et ses éléments ont fait irruption à son domicile lors de leur fuite du quartier général (QG) du commando invisible situé à la cité Coccinelle, à quelques encablures de la société Unicafé. Le vendredi dernier, il a accepté de nous raconter le calvaire que son épouse, ses enfants et lui ont vécu, ce jour-là.
Avant hier (Mercredi 29 avril 2011:Ndlr), quand ça commencé à tirer vers le QG de IB, des éléments qui lui sont proches ont commencé à fuir. Or lorsqu`on est assis chez moi, on aperçoit les rails. Donc on a vu des groupes de personnes passés. C`était des gens d`IB. Ils étaient en tenue civile et se dirigeaient vers la route d`Anyama. En regardant où ma voiture est garée (...il nous montre sa voiture totalement endommagée par les échanges de tirs de roquettes), juste après le mur, on a vu des gens en tenue civile, armés de kalachs. Lorsqu`on a constaté ce fait, j`ai dit à ma femme qu`on dirait qu`il y a des gens en kalachs dans le quartier qui tentent de fuir. C`est en regardant ces gens en fuite qu`on a vu une de nos sœurs qui allait sans le savoir tout droit en leur direction. Immédiatement, j`ai signalé à ma femme la présence de notre soeur qui s`appelle Awa. Quand elle s`est rendue compte que des gens armés étaient face à
elle, elle a commencé à fuir. J`ai donc crié en malinké à maintes reprises: Awa vient ici! Elle a fui pour venir se réfugier chez moi. Lorsqu`on a ouvert la porte, ma femme les a vus se diriger vers notre maison. Comme je suis connu comme un militaire, ma femme s`est inquiétée du fait que ces hommes armés pourraient en vouloir à ma personne. Elle m`a conseillé de me cacher et que s`ils me demandaient elle leur dira que je ne suis pas là. (Quelques instants, son épouse arrive Ndlr). Quand ils sont venus, ils ont salué et ont demandé si j`étais là. Elle leur a dit que j`étais allé au travail, avant de leur demandé s`il y avait un problème. Ils lui ont dit qu`ils sont en train de sécuriser le quartier. Ils ont tourné là quelques instants et sont sortis de la maison. Après quelques minutes, ils sont revenus, cette fois-ci en compagnie d`IB lui-même et de son staff, près de dix personnes en armes. IB lui-même était armé. Il
avait près de trois à quatre armes sur lui, selon ce que ma femme m`a dit parce que moi, je m`étais déjà caché. Ils sont venus et sont allés directement dans mon salon et se sont installés. Ils ont demandé qu`on leur donne de l`eau glacée. Ensuite, ils ont rassuré ma femme en lui disant de ne pas s`inquiéter et que rien n`allait lui arriver si elle respectait ce qu`ils lui diraient. Ils ont pris nos téléphones portables et promis de partir la nuit tombée. Ils ont demandé qu`elle leur fasse du thé. Après ça, elle m`a retrouvé dans la chambre et m`a demandé si j`entendais ce qu`ils disaient. J`ai répondu non et souhaité qu`elle laisse la porte entrouverte. C`est là que j`ai entendu IB parler au téléphone à un général togolais. Il disait à ce général qu`il ne comprenait pas l`attaque menée contre lui alors qu`il était sur le point de rassembler ses éléments aujourd`hui (mercredi dernier) pour le désarmement. Il a
invité le général à demander aux Frci de se retirer afin qu`il rejoigne son QG et rassemble ses hommes et rende les armes. C`est alors que j`ai su que c`était réellement IB. Ça n`a pas mis du temps quand les éléments des Frci se sont signalés vers notre domicile. Les hommes d`IB ont dit à ma femme de sortir pour aller dire qu`il n`y avait personne ici. Quelques instants après, on a entendu une voix nous invitant de sortir de la maison. Des tirs se sont ensuite fait entendre. C`était des tirs de sommation. Un des éléments d’IB a répliqué en tirant en leur direction. IB s`est fâché et lui a demandé pourquoi il tirait. C`est en ce moment qu`il y avait la débandade chez moi. Ils ont occupé toute ma maison. Et c`est là que j`ai vu IB en personne. Quand ils ont tiré, les Frci n`ont pas fait de cadeau. Ils ont ``rafalé`` et ils ont envoyé une roquette qui est partie directement dans ma chambre. On a entendu un bruit terrible. Il y a
l`un des gars d`IB qui a soulevé mon lit et voulait se mettre en dessous mais comme il est en forme, il n`a pas pu. C`était la panique. Ils ont demandé à ma femme de leur donner ses boubous. Elle leur a dit qu`elle n`en avait qu`un seul. Et c`est ce qu`elle portait ce jour-là. Un deuxième coup de roquette a retenti. Et le plus baraclé d`entre eux s`est écroulé. Le sang coulait de partout. Prise de panique, ma femme a commencé à les supplier en malinké: pardonnez, pardonnez, je suis avec ma famille. C`est là où les tirs ont cessé. Et elle m`a aidé à sortir en me mettant au dos. Quand on est sorti, il lui ont demandé qui j`étais, elle leur a dit que j`étais son mari. Ils nous ont emmenés par la suite vers Zakaria (Commandant mystique des Frci Ndlr). Zakaria nous a demandé si IB était bel et bien chez nous. Je lui ai dit oui qu`il était effectivement dans ma chambre. Ensuite, il a cherché à savoir si on avait des gens là-bas. Ma
femme lui a dit qu`on y avait nos enfants. Il a promis de les faire sortir. Un premier groupe a pu sortir. Le plus grand des enfants a été conduit chez les voisins. Ce qui nous a énormément soulagé. C`est après cela qu`il y a eu le bombardement de la maison. On a rien vu par la suite si ce n`est qu`IB avait trouvé la mort au cours de ces affrontements. Quand tout est fini, Zakaria et Vetcho m`ont reçu. Sincèrement, j`ai eu la plus grande peur de ma vie. Surtout lorsqu`une roquette a pété dans ma chambre. C`était comme un éclair.