jeudi 28 avril 2011

"IB" tué par les Forces républicaines de Côte d'Ivoire

Le chef rebelle Ibrahim Coulibaly, dit "IB", a été tué par les FRCI d’Alassane Ouattara et Guillaume Soro mercredi soir à Abidjan. Son "commando invisible" était vu comme une menace par le nouveau pouvoir ivoirien, bien qu’il ait contribué à la chute de Laurent Gbagbo.
Ibrahim Coulibaly, dit « IB » le chef du « commando invisible » d’Abobo, est mort mercredi soir.
Les Forces républicaines de Côte d’Ivoire (FRCI) du président Alassane Ouattara, avaient lancé l’assaut contre son fief abidjanais plus tôt dans la journée. Le ministère de la Défense affirme qu’« IB » a été tué lors d’une « riposte » alors qu’il refusait de se rendre.
Ibrahim Coulibaly avait « pris en otage toute une famille, a déclaré son porte-parole, le capitaine Léon Kouakou Alla. Les FRCI ont effectué des tirs de sommation à deux reprises et il a réagi avec des tirs nourris. Les FRCI n'ont eu d'autre choix que de riposter, et la riposte lui a été fatale ».
Des sources proches du chef rebelle ont en revanche affirmé à RFI qu’« IB » cherchait à se rendre au moment de sa mort.
Selon le gouvernement, deux soldats des FRCI et sept membres du « commando invisible » ont été tués dans l’affrontement.
Rival historique de Guillaume Soro
Ancien putschiste en 1999 et 2002, Ibrahim Coulibaly était le rival historique de Guillaume Soro (aujourd’hui Premier ministre d’Alassane Ouattara) à la tête de la rébellion contre Laurent Gbagbo. En 2004, les supporters des deux camps en étaient même venus à l’affrontement armé. Guillaume Soro devenant le seul chef de la rébellion, Ibrahim Coulibaly s’était exilé.
À la faveur de la crise postélectorale ivoirienne, « IB » était revenu à Abidjan. Il était l’un des principaux leaders du « commando invisible », un groupe armé, au départ mystérieux, qui avait commencé dès le mois de janvier à attaquer les Forces de défense et de sécurité (FDS) de Laurent Gbagbo dans la capitale économique ivoirienne. Ses attaques meurtrières avaient rapidement forcé les FDS à se retirer de son fief d’Abobo, au nord d’Abidjan.
Après la chute de Laurent Gbagbo le 11 avril, « IB » revendiquait sa contribution à la victoire d’Alassane Ouattara et avait demandé (sans succès) à le rencontrer. Selon son entourage, c’est Guillaume Soro qui s’opposait à cet entretien.
Ce dernier avait adopté un discours de fermeté vis-à-vis des « groupes armés » à Abidjan, leur ordonnant de se désarmer et les menaçant de le faire « par la force » en cas de refus.
Félix Anoblé serait également tué
Dès mercredi matin, les FRCI, équipées d’armes lourdes (des pick-up surmontés de mitrailleuses et des lance-roquettes notamment), sont passées à l’assaut à Abobo. À la mi-journée, « IB » se disait encore en « lieu sûr » et affirmait qu’il lancerait une « contre-offensive » en « temps opportun ».
« On demandait une semaine, dix jours, le temps de bien expliquer aux combattants qu'ils doivent désarmer sans conditions », affirmait mercredi matin Félix Anoblé, le numéro deux du groupe d’Ibrahim Coulibaly, lui aussi tué d’après une source citée par RFI.
D’après le ministère de la Défense, « IB » était réfugié « dans une cour [d'habitation] non loin d'une usine à PK-18 » où a eu lieu l’affrontement final vers 20 heures (locales et GMT).
Jusqu’à mercredi, ce quartier, pourtant acquis au président Ouattara, était un des derniers secteurs qui échappait au contrôle des FRCI. À l’exception de poches de résistances dans le fief de l’ancien président Laurent Gbagbo de Yopougon, les FRCI sont désormais les seuls maîtres de la ville.

mercredi 27 avril 2011

Idriss Déby Itno, président seigneur de guerre

Militaire de carrière, redoutable tacticien, le président tchadien muselle toute opposition depuis des décennies. Il se représente le 24 avril à la présidentielle déjà boycottée par trois candidats.

Idriss Déby recevant le ministre français de la Défense Hervé Morin, en février 2008. Reuters/Pascal Guyot

Arrivé au pouvoir en 1990 par les armes, le président tchadien Idriss Déby Itno, que certains appellent encore «IDI» de ses initiales, s’est reconverti à la conquête du pouvoir par les urnes. Sans que les armes cessent pour autant de tonner chez lui.
La présidentielle du 24 avril 2011 censée mettre un terme aux nombreuses guerres cycliques au Tchad risque de ne pas atteindre cet objectif. Les trois principaux candidats de l’opposition ont dénoncé une «mascarade électorale» au vu des législatives de février avant de se retirer de la compétition. Et de prendre «à témoin l’opinion nationale et internationale qu’ils sont uniquement soucieux d’une élection organisée dans un minimum de règles de l’art pour que le processus démocratique se poursuive, dans l’esprit de l’accord du 13 août 2007» signé entre le pouvoir et l’opposition (PDF). Et si la présidentielle se tient sans l'opposition civile représentative, il y a fort à parier que le pays pourrait bien renouer avec les vieux démons de la guerre.

Fils de berger, entre guerre et paix

Né en 1952 à Berdoba, non loin de Fada dans le nord-est du Tchad, ce fils de berger a une trajectoire et une carrière militaire et politique qui ont fait de lui un homme à poigne. Il ne pouvait en être autrement dans le contexte particulièrement tourmenté que le Tchad a vécu depuis 1960. Entre guerre et paix.
C’est après le baccalauréat qu’il entame sa formation à l’Ecole des officiers à N’Djamena. Puis il se rend en France d’où il rentre nanti de sa licence de pilote professionnel (spécialité transport des troupes). D’ethnie Zaghawa de tradition guerrière et dans un pays où la guerre est devenue un sport national, son destin va vite se dessiner.
Idriss Déby Itno gravit les échelons. Quand la guerre civile éclate en 1979, il est avec Hissène Habré. Commandant en chef des Forces armées du nord (FAN) pendant la rébellion contre le président Goukouni Weddeye, qui dirige le Gouvernement d’union nationale de transition (GUNT) en 1980. «Pendant que nous étions en pleine guerre contre Goukouni Weddeye, Hissène Habré nous a envoyés consulter un marabout sur la suite des opérations. Et au cours de cette consultation, le marabout nous a dit curieusement qu’Idriss Déby Itno deviendrait un jour le président de la République du Tchad», confie le général Gouara Lassou, ancien compagnon d’armes d'Hissène Habré, prédécesseur d’Idriss Déby Itno à la tête des FAN et ancien ministre des Affaires étrangères du Tchad.
Deux ans après, en 1982, Déby est le premier à entrer à N’Djamena à la tête de la colonne rebelle qui chasse Goukouni Weddeye du pouvoir pour installer Hissène Habré. Il est alors promu colonel. Idriss Déby Itno repart en France à l’Ecole de guerre interarmées en 1986. De retour l’année d’après, le président Hissène Habré lui confie le poste de conseiller à la Défense et la sécurité.

Massacres d'opposants

Sous le régime dictatorial du président Hissène Habré, la tristement célèbre police politique dénommée Direction de la documentation et de la sécurité (DDS) s’illustre par des arrestations, des tortures et des exécutions sommaires d’opposants et autres citoyens soupçonnés comme tels. Les victimes sont parfois enterrées dans des fosses communes. On estime à plusieurs milliers le nombre de Tchadiens ayant ainsi subi ce triste sort à cause de leurs opinions. Un tas de cadavres dont beaucoup de Tchadiens estiment qu'Idriss Déby Itno est aussi comptable.
Il en est de même du fameux «septembre noir», un massacre de populations du sud du pays en 1984. Pour son principal opposant, l’ancien journaliste Saleh Kebzabo, Idriss Déby Itno en est tout à fait responsable:  
«Dès la prise du pouvoir [par Hissène Habré, ndlr] en 1982, Déby va connaître une ascension fulgurante: commissaire aux armées et à la sécurité du parti-Etat et, surtout, "comchef" des FANT. C’est à ce poste qu’il va s’illustrer et marquer la mémoire des sudistes qui l’ont subi de la manière la plus tragique qui soit. Les milliers de familles endeuillées dans la répression aveugle et sanglante de 1984 qui a généré le "septembre noir", c’est lui; la liquidation de centaines de cadres sudistes, c’est encore lui, jusqu’à la pacification totale du sud. Ces années noires lui colleront à jamais à la peau et il en éprouvera un complexe qui va marquer ses relations avec les sudistes.»
IDI se défend en affirmant n'avoir été à l’époque qu'un simple exécutant, recevant des ordres comme tout militaire. Pour Amnesty International, «nombre d’agents de l’Etat ayant ordonné des exécutions sommaires sous Hissène Habré ont été maintenus ou intégrés à des postes de responsabilité. Idriss Déby lui-même a été, jusqu’en 1989, l’un des piliers du régime».
Entre Hissène Habré et lui, les relations finissent par se détériorer. Et, le 1er avril 1989, il décide de quitter N’Djamena avec un certain nombre de compagnons pour le maquis, dans une opposition qui se transformera en Mouvement patriotique du salut (MPS). Le régime Habré ne se prive pas de taxer le colonel des Forces armées nationales du Tchad (FANT) devenu rebelle d’être à la solde de la Légion islamique de Kadhafi. Il l'accuse de tentative de coup d’Etat.

Hissène Habré chassé du pouvoir

De fait, le 1er décembre 1990, Déby chasse Hissène Habré pour s’installer lui-même au palais présidentiel. Un palais flambant neuf dont le dictateur déchu n’a pas eu le temps de prendre possession avant de s’enfuir au Sénégal avec plusieurs milliards de francs CFA. Non sans avoir tué de sang froid son cousin, le commandant Hassan Djamouss (héros de la guerre contre la Libye) gardé dans les geôles du palais après sa capture au cours des batailles ayant précédé la sortie du Tchad du mouvement du 1er avril 1989.
L’homme fort de N’Djamena déclare aux Tchadiens le 4 décembre 1990 au siège actuel de la Commission du Bassin du Lac Tchad (CBLT): «Je ne vous ai apporté ni or, ni argent mais la liberté…» En dépit de l’avènement du processus démocratique consécutif à l’arrivée du MPS au pouvoir, le Tchad n’a pas définitivement retrouvé la paix. Mais Idriss Déby Itno a pu se maintenir au pouvoir.

Des élections... et des fraudes?

Il remporte les élections présidentielles de 1996, 2001 et 2006. Mais toutes ses victoires sont contestées par l'opposition qui dénonce vainement des fraudes électorales. La guerre est permanente entre l'opposition civile, ainsi que ceux qu'on appelle communément au Tchad les politico-militaires, et le régime Déby Itno.
En 1993, en pleine préparation de la Conférence nationale souveraine du Tchad, il fait face à de vives critiques au sujet d'exactions commises par sa Garde républicaine au Sud. En 1996, la rébellion des Forces armées pour la République fédérale (FARF) de Laokein Bardé tient la région de Doba au Sud. Elle menace même d'empêcher l'exploitation du pétrole tchadien. IDI utilise la carotte et le bâton —négociation et opposition armée— et finit par réduire la rébellion.
Pour faire face aux mouvements rebelles qui se multiplient, il s’achète des armes. Avec l’argent du pétrole que le Tchad commence à exploiter. Mais les rébellions soutenues par le Soudan du président Omar El Béchir avec lequel il entretient des relations tumultueuses continuent de menacer son régime.
En 2008, c’est de peu que les rébellions rassemblées au sein de l’Union des forces de la résistance (UFR) manquent de le renverser aux portes du palais présidentiel à N’Djamena. Des opposants soupçonnés d’être de collusion avec les rebelles, comme Ngarlejy Yorongar, Lol Mahamat Choua et Ibni Oumar Mahamat Saleh, sont arrêtés et torturés, et ce dernier est toujours porté disparu. Au plus fort des combats, la France lui propose de l’exfiltrer. Mais Idriss Déby Itno refuse. La guerre se termine finalement en sa faveur.

L'as du pilotage

Derrière sa carapace de guerrier impitoyable, l’homme est un peu timide mais pas introverti. Bien au contraire. Fidèle a ses amitiés, il est tout aussi généreux. Mais ne touchez pas à son pouvoir. Le président tchadien, qui est pilote professionnel, prend parfois les commandes de son avion. Son métier lui permet aussi de bien lire les cartes. Et avoir été un soldat de terrain lui confère l’avantage de connaître les routes et pistes de son pays. IDI est capable d'aller d’un point du Tchad à un autre sans passer par les chemins connus. C’est d’ailleurs grâce à cela que ses compagnons et lui ont pu atteindre le Soudan en semant les troupes de Hissène Habré qui se sont lancées à leurs tousses en avril 1989.
Le président tchadien a en effet laissé entendre à plus d’un qu’il n’est pas arrivé au pouvoir en empruntant un avion d’Air Afrique et qu’il résistera à toutes les rébellions armées. IDI est un guerrier au sens propre du mot. A son avantage, il dispose en tant que militaire de carrière de l’expérience des combats et des moyens militaires et diplomatiques de chef d’Etat. Autant d'atouts qui laissent penser que c’est par les urnes qu’il faut espérer le faire partir du pouvoir et non par les armes.
Qu’on l’aime ou qu’on ne l’aime pas, on est obligé de reconnaître qu’Idriss Deby Itno est un homme très courageux et intelligent aussi. Tout ce qu’il faut donc pour gagner des guerres auxquelles son régime est confronté depuis bien des années.

Le deal que Gbagbo avait proposé à Choi

Deux semaines après la chute de l`ancien chef d`État, Laurent Gbagbo, on en sait un peu plus sur ce qui s`est passé entre lui et le représentant spécial du secrétaire général de l`Opération des Nations unies en Côte d`Ivoire, Choi Young Jin. Se confiant au site d`information SlateAfrique, le diplomate sud-coréen a révélé les négociations qu`il a menées auprès de Laurent Gbagbo afin qu`il cède le pouvoir à son rival Alassane Ouattara, après sa défaite. Au dire du patron de l`ONUCI, après qu`il a certifié les résultats du scrutin présidentiel donnant Ouattara vainqueur, Laurent Gbagbo lui a envoyé un émissaire. Celui-ci, a révélé Choi, lui a demandé s`il pouvait faire quelque chose pour que l`ex-chef d`État demeure au pouvoir. « J’ai beaucoup apprécié cet émissaire. M. Gbagbo, à travers lui, m’a fait savoir qu’il n’avait pas d’option et devait rester président. Il m’a posé la question: est-ce qu’on peut faire quelque chose? J’ai répondu que nous étions ceux qui n’avaient vraiment pas d’option, puisque nous avions certifié une élection très claire », a révélé le diplomate sud-coréen, qui dit avoir indiqué à l`émissaire de Gbagbo que si elle (communauté internationale) échoue ici, elle ne sait pas quel message va donner, alors qu’il y a dix-huit élections en Afrique dans les mois qui viennent. « Qu’il accepte le résultat! Lui, il avait des options. Je lui ai fait un document intitulé L’option Kérékou, pour lui recommander d’accepter le résultat, de devenir un héros tout de suite et tenter un retour cinq ans plus tard. Mathieu Kérékou, ancien président du Bénin, a subi une défaite électorale inattendue, qu’il a acceptée au bout de deux jours. Il a ensuite été réélu plusieurs fois », a-t-il fait savoir. Avant d`indiquer que l`ex-chef d`État n`a pas tenu compte de ses propositions. Mieux, a révélé M Choi, après la proclamation des résultats par la CEI, il a rencontré, le 1er décembre un Laurent Gbagbo buté, refusant d`entendre raison et qui tenait à rester coûte que coûte au pouvoir malgré sa défaite. Ce qui l`a conduit à dire que l`ancien locataire du palais présidentiel avait perdu tout contact avec la réalité. Avec plusieurs cartes en main, Laurent Gbagbo n`a retenu que les mauvaises, selon le patron de l`ONUCI. « Il ne discernait plus ce qui était bon ou mauvais pour lui. Quand je lui ai dit que nous n’avions pas le choix, il n’a pas compris. S’il avait accepté la réalité dès le mois de décembre, il aurait pu être à Paris dans de grands colloques aujourd’hui », a-t-il renchéri, avant de poursuivre: « Je lui ai dit le 1er décembre: «Monsieur le président, si vous prenez cette décision fatale, quelle sera votre place dans l’histoire? Vous êtes professeur d’histoire. Si votre décision entraîne des centaines de morts, la destruction, la souffrance du peuple ivoirien, quelle sera votre place dans l’histoire?» Il est resté silencieux quelques instants et m’a répondu: «Je ne peux pas abdiquer à cause de cela.» J’ai été un peu surpris. «Abdiquer», ce n’est pas un mot pour un homme démocratiquement élu ». Après cette conversation, Choi dit avoir su que Laurent Gbagbo avait fixé son avenir. « Il a perdu le contact avec la réalité », a-t-il expliqué, non sans rappeler la délicatesse de sa mission qui recelait de nombreux pièges qu`il a su éviter. En l`occurrence la proclamation des résultats du scrutin présidentiel par le président de la CEI, Youssouf Bakayoko au siège de l`ONUCI. Si cela avait été le cas, a soutenu l`orateur, cela aurait entaché sa certification. « En tant que président de la CEI de la Côte d’Ivoire, il devait proclamer les résultats sur le territoire, et non dans un lieu extra-territorial. Cela aurait aussi compromis ma certification. Si je l’avais accepté, j’aurais donné l’impression de le soutenir », a-t-il relevé, soulignant au passage avoir évité la guerre civile et la destruction des ponts d`Abidjan, l’aéroport, le port, l’électricité et l’eau. « Tout est bien conservé. Nous avons évité que M. Gbagbo soit mort, quand il s’est retrouvé aux mains des forces de M. Ouattara. Cela aurait posé beaucoup de problèmes. Je ne vois pas comment on aurait pu faire autrement. Nous avons eu beaucoup de chance, d’avoir évité tout cela », s`est-il réjoui.

Côte d'Ivoire : Laurent Gbagbo et ses proches visés par des "enquêtes préliminaires"

Selon le gouvernement d'Alassane Ouattara, des procédures judiciaires ont été lancées contre l'ex-président Laurent Gbagbo et ses proches.
Alassane Ouattara l'avait promis, il a tenu parole. Mardi 26 avril, son gouvernement a annoncé sur la Télévision de Côte d'Ivoire (TCI) que des « enquêtes préliminaires » avaient été ouvertes contre le président ivoirien déchu Laurent Gbagbo et ses proches.
« Concernant les personnes capturées depuis le 11 avril [...], l'ancien chef d'État, son épouse et une soixantaine de personnes de son clan ont été assignés en résidence surveillée à Abidjan et dans d'autres villes », a déclaré le porte-parole Patrick Achi dans son compte-rendu du Conseil des ministres. « Des procédures d'enquêtes préliminaires sont en cours pour les crimes et délits commis par Laurent Gbagbo et son clan », a-t-il ajouté, sans préciser quelle institution judiciaire – nationale ou internationale – serait sollicitée en cas d'inculpations.
En tout, plus de 120 personnes avaient été arrêtées le 11 avril avec Laurent et Simone Gbagbo à la résidence présidentielle à Abidjan, après une offensive des forces pro-Ouattara bénéficiant de l'appui décisif de la force française Licorne et de l'ONU. Près de 70 personnes, membres de la famille et employés de maison, avaient été rapidement libérées tandis que Laurent Gbagbo était transféré à Korhogo (nord) et Simone à Odienné (nord-ouest). Cela laisse supposer qu'une cinquantaine de personnes peuvent faire l'objet des enquêtes annoncées par le gouvernement ivoirien. (avec AFP)

Côte d'Ivoire : IB demande à ses hommes de "déposer les armes"

S'il ne l'avoue pas, 'IB' reste en conflit avec Guillaume Soro. S'il ne l'avoue pas, "IB" reste en conflit avec Guillaume Soro.
 
Selon le numéro 2 du "commando invisible", Félix Anoblé, qui a rencontré les FRCI hier à Abidjan, l'ordre de désarmer a été transmis par IB à ses hommes. Lequel attend toujours de rencontrer Alassane Ouattara.
Ibrahim Coulibaly, dit « IB », le chef du « Commando invisible » se méfie des tentatives d'assassinat. Mais il a répondu positivement aux exigences du camp Ouattara. S'il ne s'est pas présenté physiquement mardi au siège de l'Opération des Nations unies en Côte d'Ivoire (Onuci) (dans l'ex-hôtel Sebroko d'Attécoubé à Abidjan) pour une rencontre avec les FRCI, le commandant IB (comme l'appelle le chef de l'État) s'y est fait représenter par le n°2 de son mouvement, Félix Anoblé, non sans avoir précédemment demandé à ses hommes de désarmer, comme l'exige le gouvernement dirigé par son rival historique Guillaume Soro.
« Le général [IB, NDLR] a dit à ses hommes qu'il faut qu'ils déposent les armes (...) Les éléments (du commando) ont reçu l'information, on verra la suite », a déclaré de manière assez évasive Félix Anoblé, qui n'a pas donné de précision non plus sur la demande d'entretien faite par IB à Ouattara pour lui remettre son commandement.
Guillaume Soro a transmis un message à l'ex-sergent-chef putschiste dans lequel il lui demande « de déposer les armes immédiatement et sans conditions, de venir discuter avec [Soro] et pouvoir après faire allégeance » au président, a simplement précisé Anoblé. Lundi, Anoblé avait accusé Soro de faire obstacle à cette demande d'entretien avec Alassane Ouattara, qui avait menacé trois jours plus tôt de « désarmer par tous les groupes armés encore actifs à Abidjan. (avec AFP)

mardi 26 avril 2011

Tous au travail maintenant !

La région reste aux mains des chefs rebelles, qui tirent de cette occupation des revenus juteux. Élections ou pas, ils ne sont pas près d’y renoncer. Une enquête de l’ONU révèle ces trafics en tout genre.
« La situation dans le nord de la Côte d’Ivoire ressemble plus à une économie de chefs de guerre qu’à une administration gouvernementale qui fonctionne. » Plus de sept ans après la conquête de la zone septentrionale par les rebelles ivoiriens et presque trois ans après la signature de l’Accord politique de Ouagadougou (APO), sept experts des Nations unies ont dressé cet implacable constat au terme d’une enquête de plusieurs mois menée en 2009 *. Le redéploiement de l’administration, le retour de l’État de droit et la collecte de l’impôt par le Trésor public sont loin d’être effectifs. Quelques préfets, des juges et des enseignants ont repris du service, certes, mais le vrai pouvoir reste à la rébellion. Au bilan, le seul domaine qui soit revenu réellement aux pouvoirs publics est l’immatriculation des véhicules à Bouaké…
Pourtant, et c’est le paradoxe de cette crise ivoirienne, les armes se sont tues depuis longtemps, la circulation des personnes et des biens est effective et les violences sont assez limitées… Mais, sur le terrain, les milices des Forces nouvelles (FN, ex-rébellion), surnommées 0, Cobra, Fansara 110, Highlander ou Delta Force, contrôlent toujours 60 % du pays, plus de 190 000 km2. Elles répondent aux ordres de dix commandants de zone rétifs à toute réunification. Et pour cause ! Ils tirent de juteux bénéfices de l’exploitation et du trafic des ressources naturelles (cacao, coton, bois, noix de cajou, or et diamants), et perçoivent des taxes sur le trafic routier et sur les services publics comme l’électricité, que le gouvernement ivoirien fournit pourtant gratuitement à la population. Ils ont également investi dans l’immobilier et se sont approprié ou ont donné en gérance à des proches de nombreux hôtels, boîtes de nuit, commerces, stations-service… Selon le ministère de l’Économie et des Finances, ce business pourrait leur rapporter quelque 60 milliards de F CFA par an (environ 90 millions d’euros).
Une rente providentielle pour laquelle les seigneurs de guerre n’hésitent pas à se battre. Même entre eux. En mai 2008, Issiaka Ouattara, alias Wattao, a déposé le « com’zone » de Vavoua et Séguéla, Zacharia Koné, aujourd’hui en exil au Burkina. Officiellement, le chef d’état-major adjoint des FN réagissait à des actes d’insubordination, mais il en a surtout profité pour mettre la main sur le commerce du cacao. Quelque 128 000 tonnes (environ 10 % de la récolte nationale) sont exportées illégalement par les ex-rebelles vers les ports du Togo, du Ghana et, dans une moindre mesure, du Sénégal et de Guinée. Selon l’ONU, Wattao en tirerait près de 640 millions de F CFA de recettes annuelles. L’ancien caporal est également impliqué dans la production musicale et le commerce de voitures.
Contrebande
Autre grand seigneur du Nord, Martin Kouakou Fofié, l’un des trois Ivoiriens visés par le gel des avoirs à l’étranger et l’interdiction de voyager décidés par l’ONU, commande la zone 10, administrée depuis Korhogo. Il est intervenu en avril 2009 dans le secteur de Ferkessédougou, aux mains de Fofana Inza, pour régler un différend entre chefs. Depuis, il gérerait de manière exclusive les activités d’extraction aurifère de la région. Il prélève également une partie des taxes sur les échanges avec le Burkina et demande à tous les nouveaux abonnés de la Compagnie nationale d’électricité de sa zone de lui verser une redevance mensuelle comprise entre 1 500 et 3 000 F CFA. Son nom figure encore sur les récépissés de prélèvement des taxes délivrés aux conducteurs de poids lourds. À Man, le commandant Losseni Fofana, dit « L’Intrépide Loss », gère une des zones parmi les plus difficiles en raison de ses frontières poreuses avec le Liberia et la Guinée. Il est très impliqué dans le commerce du bois et du cacao, et la contrebande d’armes. À Bouaké, fief et siège des FN, Chérif Ousmane, alias commandant Guépard, est dans le négoce. D’autres, comme Morou Ouattara, ont investi dans l’agrobusiness.
Une flopée d’intermédiaires
Tous semblent s’affranchir de plus en plus de la Centrale, structure mise en place en 2003 par le secrétariat national des Forces nouvelles, pour collecter les taxes et les impôts de la rébellion. Cette volonté d’organiser les activités n’a, en effet, pas permis d’enrayer la propagation d’une économie souterraine. Les rebelles font affaire avec de nombreux opportunistes. Les Libanais exploitent illégalement le bois et le diamant, et font du petit commerce, les Indiens exportent l’anacarde et collectent la ferraille, les Chinois ont installé des pharmacies et des officines médicales.

D’après les experts de l’ONU, les ex-rebelles continuent à se réarmer, comme d’ailleurs les troupes du Sud. Malgré une vingtaine de refus d’inspection, ils ont pu identifier de nombreux dépôts d’armes et de munitions dans les régions de Vavoua, Séguéla, Odienné, Ouangolodougou et Ferkessédougou. Une partie des munitions serait acheminée via le Burkina. « Ce sont des rumeurs véhiculées par des diplomates mal informés, explique un proche du président Blaise Compaoré, médiateur de la crise ivoirienne. Le président joue sa crédibilité. »
Il n’empêche. Les barons du Nord n’ont nulle envie de regagner les casernes et ne s’inscrivent pas, non plus, dans le projet politique de leur chef. On prête, en effet, l’intention au Premier ministre de créer son propre mouvement ou d’intégrer en bonne place un des grands partis. Il pourrait présenter des candidats aux élections législatives qui se tiendront dans les deux mois suivant le scrutin présidentiel, probablement à la mi-2010. S’il pouvait former un groupe parlementaire, celui-ci deviendrait une force d’appoint et prendrait sa place sur l’échiquier politique.
L’objectif n’est pas à portée de main. Il lui sera en effet difficile d’implanter ses hommes sur les terres du Rassemblement des républicains (RDR), premier parti du nord du pays. L’ancien Premier ministre, Alassane Dramane Ouattara, dit ADO, compte de nombreux partisans chez les com’zone. Certains sont même très proches de lui. ADO a assisté au mariage de Chérif Ousmane à Ouagadougou en décembre 2007 et son épouse, Dominique, était témoin.
« Soro a plus besoin des com’zone qu’ils n’ont besoin de lui », commente stoïquement un diplomate. Les relations avec le chef du gouvernement sont même parfois tendues. Guillaume Soro a réduit ses voyages dans le Nord, certains des com’zone l’accusent régulièrement de jouer le jeu du président Gbagbo et ont même appelé à sa démission en avril dernier… Depuis, la primature se fait discrète sur les questions de désarmement et les affaires économiques. Et les com’zone se rééquipent, poursuivent la formation et la mise en place de leurs propres forces de police et de gendarmerie. Récemment, plusieurs unités ont même été dotées d’uniformes neufs. Plus grave, selon la présidence, 1 000 hommes de Chérif Ousmane auraient reçu une formation commando.
Une confiance limitée
« Soro n’est plus maître du dialogue politique, ajoute le même diplomate. Tout se joue directement entre les présidents Gbagbo et Compaoré. » Ce dernier avance à petits pas sans oublier les intérêts de son pays. Le Burkina a longtemps servi de base arrière aux rebelles. Des liens ethniques unissent les Burkinabè aux populations du Nord, une diaspora importante réside en Côte d’Ivoire, et les échanges commerciaux entre les deux pays enrichissent des tas d’intermédiaires.
« La confiance n’est pas encore totale entre les rebelles et le camp Gbagbo. La réunification définitive n’aura donc lieu qu’après la tenue d’élections transparentes, conclut un proche du président Compaoré. Si c’est le cas, nous veillerons à ce que le résultat des urnes soit respecté. Et les com’zone ne pourront se prévaloir des armes pour faire leurs affaires. »
* Rapport final du groupe d'experts sur la Côte d'Ivoire du Conseil de sécurité de l'ONU.

Arrestation de Gbagbo, le point de la journée

L’ex-président ivoirien Laurent Gbagbo, lors de son arrestation, le 11 avril 2011 à Abidjan. L’ex-président ivoirien Laurent Gbagbo, lors de son arrestation, le 11 avril 2011 à Abidjan
Isolé, encerclé, épuisé et affamé, l'ancien président ivoirien Laurent Gbagbo s’est montré pugnace jusqu’au bout, n’hésitant pas à ordonner le bombardement de la résidence de l’ambassadeur de France. Deux semaines après sa chute, récit d’une capture obtenue de haute lutte.
Premières images après sa capture. Laurent Gbagbo a l’air hébété. Il ne semble pas comprendre ce qui lui arrive. Et pour cause. Jusqu’au dernier moment, il a cru qu’il pourrait renverser la partie.
Jeudi 7 avril, Alassane Ouattara décrète le blocus de sa résidence. Vendredi 8 avril, sa réplique est foudroyante : sept obus et trois roquettes s’abattent sur la résidence de l’ambassadeur de France, qui jouxte la sienne. Pas de blessés.
Samedi 9 avril, Laurent Gbagbo va plus loin. Il ordonne l’attaque du Golf Hôtel, le QG de son adversaire. Une heure de bombardements au mortier, à partir de sa propre résidence ! Une heure de panique dans le camp Ouattara. Au total, plus de peur que de mal. Mais la preuve est faite que les frappes de l’Onuci et de la force française Licorne, le 4 avril, n’ont pas suffi. Le camp Gbagbo a mis des armes lourdes à l’abri. Il reste fort.
Main dans la main
Mieux, il réussit à renforcer son dispositif de défense. À Cocody, les pilotes d’hélicoptère de l’Onuci en reconnaissance constatent avec effarement qu’une soixantaine de blindés et de pick-up sont venus des camps militaires d’Agban et d’Akouédo pour protéger la résidence. Désormais, il y a là trois fois plus de moyens qu’avant les frappes du 4 avril ! À la manœuvre, le général Dogbo Blé, le chef des Bérets rouges de la garde républicaine. En octobre 2000, c’est lui qui avait retourné une partie de l’armée contre le général Gueï.
Même région natale, mêmes combats… Dogbo Blé et Gbagbo sont main dans la main. Le militaire est à la présidence, au Plateau. Le politique à la résidence, à Cocody. Ils sont en liaison permanente. Un modèle : Idriss Déby Itno. En février 2008, le président tchadien avait retourné in extremis la situation, à 500 m de son palais. Ce samedi 9 avril, ils y croient encore…
Le même soir, branle-bas de combat dans le camp Ouattara. L’attaque du Golf Hôtel en a sonné plus d’un. Le camp Gbagbo relève la tête. Il faut la couper tout de suite, sans quoi… Alassane Ouattara est au Golf et Guillaume Soro au « corridor de Gesco », à l’entrée nord d’Abidjan. Il campe avec ses hommes à la belle étoile ou, au mieux, dans une auberge villageoise. Soro presse Ouattara de demander à l’ONU et à la France une deuxième série de frappes sur les armes lourdes de Gbagbo. Alassane Ouattara contacte Paris et New York. A priori, pas de problème. Comme le lundi 4, l’opération peut être couverte par la résolution 1975 du Conseil de sécurité de l’ONU. « La décision a été difficile à prendre, confie un diplomate français. Cette fois-ci, on avait une obligation de résultat. » Sous-entendu : si les frappes ne réussissaient pas, le camp Gbagbo pouvait gagner la bataille. Nicolas Sarkozy hésite. Mais un argument le convainc. C’est le précédent Kaddafi. Il y a deux mois, tout le monde le croyait fini. Il tient toujours. Pas question de laisser s’enliser le conflit ivoirien, avec le risque de voir surgir des règlements de comptes ethniques.
"Bouffé du lion"
Le dimanche 10 avril en début d’après-midi, le compte à rebours est lancé. Les premières frappes auront lieu à 16 h 45. Toute la nuit précédente, les hélicoptères de Licorne ont tourné au-dessus de Cocody pour identifier une à une les armes lourdes du camp Gbagbo. Le QG de l’Onuci, au nord du Plateau, est visé par des tirs. Dans son bunker, Choi Young-jin, son patron, bout d’impatience. « Les jours précédents, il était prudent. Mais, ce dimanche, il a bouffé du lion », raconte un témoin. À l’heure dite, les deux MI-24 de l’Onuci, pilotés par des Ukrainiens, entrent en action. Normal. Ils ne peuvent voler que de jour. Ils attaquent les canons et les blindés qui protègent le palais présidentiel, au Plateau. À la nuit tombée, les quatre Gazelle de Licorne, appuyées par un Puma, prennent le relais. Objectif : le quartier de la résidence, à Cocody. Frappes précises et continues. À 22 heures, un orage éclate dans le ciel d’Abidjan. Le bombardement cesse pendant une heure. Puis il reprend, méthodique, jusqu’à 4 heures du matin. À cet instant, l’état-major français croit que le terrain est « nettoyé », et le fait savoir à Guillaume Soro.
Mais la détermination du camp Gbagbo est plus forte que ne l’imaginent les Français. Ce dimanche soir, en plein bombardement, le général Dogbo Blé a fait venir à la présidence six cents jeunes miliciens – certains ont à peine 15 ans – qu’il a recrutés dans le quartier Blockoss. Laurent Gbagbo ne lâche rien. Et malgré la pluie de roquettes françaises qui s’est abattue sur Cocody, il garde encore du « lourd » dans l’enceinte de sa résidence, avec l’appui de deux cents hommes. À 8 heures, ce lundi 11 avril, Guillaume Soro lance ses Forces républicaines de Côte d’Ivoire (FRCI) à l’assaut de ce dernier carré, mais cinq pick-up sur sept sont détruits par un canon de 20 mm servi par de bons artilleurs. Les FRCI se replient. Rien n’est encore joué.
« Il faut en finir », lâche l’état-major à Paris. « Il y a un moment où, mandat ou pas, il faut que les choses s’arrêtent », lance un proche de Nicolas Sarkozy. Les hélicoptères de Licorne décollent à nouveau. Cette fois, ils ne ciblent plus seulement les blindés autour de la résidence. Ils frappent à l’intérieur de l’enceinte, et tirent sur les canons bitubes placés dans les ouvertures du bâtiment lui-même. « C’était une véritable poudrière, raconte son plus proche voisin, Jean-Marc Simon, l’ambassadeur de France. Le mur qui sépare la résidence de Gbagbo de la mienne s’est effondré sur quinze mètres. Sans doute à cause de l’effet de souffle d’une explosion. »
Estocade
Au même moment, une trentaine de blindés français – notamment les redoutables Sagaie, équipés d’un canon de 90 mm – sortent du camp militaire de Port-Bouët, franchissent le pont Houphouët, sur la lagune, et se déploient sur le boulevard de France, à Cocody, à quelques centaines de mètres de la résidence. Objectif : isoler l’ex-président dans la partie sud de Cocody, empêcher l’arrivée de renforts pro-Gbagbo venus du Nord, et – qui sait ? – porter l’estocade. Comment ont été ouvertes les brèches dans le mur d’enceinte de la résidence ? Sans doute avec les projectiles des hélicoptères ou des chars français. Qui a enfoncé le portail d’entrée ? « Disons que nous sommes allés aux limites de l’enceinte », répond pudiquement un décideur français.
"Ne me tuez pas"
En fin de matinée, les derniers soldats pro-Gbagbo se débandent. Les FRCI s’avancent à nouveau vers la résidence. Plusieurs « comzones » (commandants de zone) sont là : les commandants Zakaria Koné, Vetcho, Morou Ouattara et Wattao. Deux cents à trois cents hommes sont avec eux. Ils entrent prudemment dans le jardin de la résidence. À 12 h 45, Laurent Gbagbo décide de se rendre. Son secrétaire général, Désiré Tagro, téléphone à l’ambassadeur de France. « Prenez un drapeau blanc et sortez du bâtiment », lui conseille Jean-Marc Simon. « Quand il m’a parlé, il y avait un énorme brouhaha autour de lui, comme si des gens se disputaient », témoigne-t-il. Dix minutes plus tard, Tagro rappelle Simon : « Je suis sorti, mais on m’a tiré dessus. – Restez en ligne, j’appelle Soro. » Aussitôt, Simon contacte Soro, qui donne dix minutes à Gbagbo et à ses fidèles pour sortir du bâtiment. Dans le même temps, Soro ordonne à Zakaria Koné – qui était en « liaison portable ouvert » avec lui – de faire cesser les tirs pendant dix minutes.
Comment est mort Désiré Tagro ? « Il a eu la malchance de tomber sur des éléments qui l’ont un peu roué de coups », a dit le commandant Wattao sur RFI. Les circonstances de son décès restent mystérieuses. À 13 h 08, les commandants Vetcho et Morou Ouattara descendent dans le sous-sol de la résidence avec leurs hommes. Selon leur témoignage, Laurent Gbagbo lance : « Ne me tuez pas, ne me tuez pas. » Très vite, il reconnaît les deux comzones et paraît rassuré. C’est fini. Tout le monde se rend. Comme la France et Alassane Ouattara l’avaient demandé avec insistance, Gbagbo est sain et sauf. Sonné par les dernières heures de combat, épuisé, affamé comme les cent quatre autres occupants de la résidence – ils n’avaient plus rien à manger… Mais sain et sauf.
Quelques minutes plus tard, l’ancien maître de la Côte d’Ivoire est affublé d’un gilet pare-balles et d’un casque, puis emmené sans encombre jusqu’au Golf Hôtel. Son épouse a moins de chance. À son arrivée dans le hall, elle est reconnue, insultée, agressée. Tresses arrachées, vêtements déchirés. Michel, le fils aîné de Laurent, échappe de peu au lynchage. Chambre 468, Simone Gbagbo apparaît prostrée, yeux fermés. Son mari s’éponge le visage, les aisselles, change de chemise et parle à ses geôliers. Il semble ailleurs, incrédule devant sa propre chute.