vendredi 28 octobre 2011

Assassinat du Général Guei : Rufin Guei, son fils cadet « Gbagbo a été méchant, il doit payer »

Le Président de la République effectuera prochainement une visite officielle à l’ouest. En prélude à cette visite, le fils cadet de feu le Général Robert Guei sort de sa réserve. Dans l’entretien, Ruffin Guei parle de l’assassinat de son père, ainsi que de leur dernière rencontre. Il se prononce également sur la responsabilité de l’ex- chef de l’Etat Laurent Gbagbo dans cette tragédie, des premiers pas du Président de la République, Son Excellence Alassane Ouattara.

Vous êtes un des enfants de feu le Général Robert Guei, mais vous êtes très peu connu. Qui êtes-vous au juste ?

Je m’appelle Rufin Guei, le fils cadet du général Robert Guei, d’une famille de huit enfants au total.

Quels sont vos rapports avec vos frères?

Je n’ai de problème avec aucun d’eux, puisqu’ils sont tous mes aînés. Nous avons de bons rapports familiaux mais comme toutes les grandes familles, il existe quelques petits problèmes de temps en temps pas plus.

Un de vos frères, Franck Guei, a collaboré avec le président Laurent Gbagbo. Cela a –t-il créé des problèmes au sein de votre famille ?

Par rapport à certaines réalités, moi, je ne pouvais en aucun cas soutenir ou collaborer avec le président Laurent Gbagbo. Cependant, je ne peux pas parler à la place des autres, parce qu’il s’agit d’une question de conviction. Je ne me permettrai donc pas de juger la position de mon frère dont vous parlez. Il est libre de ses convictions, en fonction de ses idéaux. Mais, son choix nous a un peu éloignés l’un de l’autre parce que l’argent est certes important, mais ma dignité et l’honneur de ma famille d’abord.


Que devient Franck Guei et de quoi parlez-vous lorsque vous vous rencontrez ? Où est-il au juste ?

J’ai quelques nouvelles de lui, et Dieu merci il va bien. Franchement, je ne saurai vous dire avec exactitude où il se trouve physiquement compte tenu de la situation actuelle qui lui est défavorable, du fait de ce que vous savez.

Quelles sont ces convictions qui vous ont empêché de soutenir en son temps le président Laurent Gbagbo ?

L’assassinat de mon père et de 18 autres personnes restera à jamais gravé dans ma mémoire. Pour cette raison, je ne pouvais en aucun cas, moi Rufin Guéi, soutenir le président, même pour des raisons alimentaires. Et même s’il m’avait proposé des centaines de milliards, j’aurais refusé pour ma dignité. Ce, pour la simple raison que j’ai besoin que mes enfants soient fiers de moi plus tard. Car, je n’aurai jamais supporté que mes enfants me reprochent d’avoir soutenu quelqu’un sur qui pèse un lourd soupçon du meurtre de leur grand-père, encore moins pour de l’argent. Des propositions, j’en ai eu de la part de certains proches du président déchu dans le but de les soutenir ouvertement comme l’a fait mon frère ainé Franck Guéi. J’ai agi de sorte à ne pas avoir de cas de conscience.

En tant que cadet de ses enfants, vous avez été particulièrement affligé par l’assassinat de votre père, dont vous étiez forcément proche. Aujourd’hui, avec du recul, pouvez-vous révéler les circonstances exactes de sa mort ?

Mon père est un homme de conviction qui aimait beaucoup son pays. Et son vœu le plus cher était de voir les ivoiriens unis, même dans l’adversité. C’est pourquoi, après les élections de 2000, à la faveur d’un mouvement de protestation, il a accepté de se retirer pour éviter que le sang des innocents coule. C’est cela la marque des grands hommes. Malheureusement, à la suite d’un coup d’Etat manqué dans la nuit du 18 au 19 Septembre 2002, mon père sera pointé du doigt ipso facto par le camp de l’ex- chef d’Etat Monsieur Laurent Gbagbo, absent miraculeusement ce jour là. Mon père, pour éviter la furie des hommes de Gbagbo et pour épargner la vie de son épouse, de son personnel, des gardes et des civils, il s’est rendu seul dans la demeure du seigneur c’est-à-dire à la cathédrale Saint Paul du plateau pour y trouver refuse. Malheureusement sur insistance de Monseigneur Agré alors en Italie aux côtés du président Gbagbo, les hommes de celui-ci accentueront la fouille de ce lieu saint pour dénicher mon père caché dans un carton .Conduit manu militari à la résidence du président Gbagbo pour être interrogé et torturé .Pendant que son épouse rose doudou Guei et 17 autres personnes (gardes ,personnel de maison et visiteurs) étaient aux mains du capitaine Seka Seka Anselme dirigé par le colonel Dogbo blé .Ceux-ci ont été froidement abattus. Mon père subissait au même moment un interrogatoire musclé sous la responsabilité de paul dokui, au nez et à la barbe de maitre Bahi patrice, de Lida kouassi Moise. C est bien après cette torture selon des témoignages des hommes présents ce jour que mon père va être lâchement assassiné d’une manière tellement atroce que je me retiens de rappeler ici. Je tiens à remercier du fond de mon cœur les personnes qui, de par leur courage, ont permis, malgré la situation chaotique, de recueillir la dépouille de mon défunt père dont le but de ses bourreaux étaient de la faire disparaitre.

Certains de vos frères s’étaient accaparés la tombe de votre père, en empêchant même l’actuel chef d’Etat d’y avoir accès. On se demande aussi si c’était réellement votre père qui se trouvait dans cette tombe, etc. Qu’en est-il exactement ?
J’ai effectivement un frère qui avait du mal à dissocier les sujets politiques des questions de famille. Il a voulu agir ainsi pour faire plaisir à son patron(Gbagbo), tout en oubliant la dimension de notre père qui fut chef de l’Etat. A ce titre, sa tombe appartient à toute la Nation, pas seulement à la famille Guei. Pour preuve, son caveau a été construit par l’argent de l’Etat et non de la famille. M-ais, très vite, mon frère Francis, ma sœur Mireille et moi avions pris nos responsabilités afin d’éviter une humiliation au président de la République et l’ensemble de la délégation du Rhdp que je remercie au passage pour leur engagement, malgré toutes les menaces et les craintes et plus particulièrement le ministre Mabri et le président de la République. Nous avons dignement honoré la mémoire de notre regretté père. C’est une réalité que mon frère refusait de comprendre à l’époque. Mais, avec le temps, les choses sont rentrées dans l’ordre, et chacun de nous a sûrement fait son examen de conscience. N’empêche que dans une famille, il y a toujours des malentendus de ce genre. Certains ont des convictions par rapport à leurs intérêts personnels, et d’autres par rapport à leurs idéaux.

Quand avez-vous rencontré votre père pour la dernière fois, et qu’est-ce qu’il vous a confié ?

Je l’ai rencontré pour la dernière fois lors des vacances de Février 2001, alors que j’étais étudiant à l’université de Bordeaux. Au moment où bon nombre de mes parents se cachaient à cause de la situation critique qui. J’ai pris sur moi l’initiative de venir voir mon père. Nous sommes restés ensemble durant une semaine, et j’ai gardé de très bons souvenirs de cette rencontre. C’était la dernière fois de le voir.

Pour le repos de son âme et pour que votre famille retrouve enfin la tranquillité, avez-vous des doléances particulières à l’endroit des nouvelles autorités ?
Il faut se rappeler que 19 autres personnes ont été assassinées en compagnie de mon père et son épouse. L’idéal pour nous serait que la vérité éclate. A partir de 2002, nous avons difficilement vécu cette situation où, pendant quatre ans, nous avons été interdits de voir le corps de notre regretté père. A un moment donné, nous étions presque tous en exil, et c’est au prix de longues tractations que nous sommes revenus. Pour le repos de l’âme de notre père, ainsi que des 18 autres personnes assassinées ce jour-là, il faut absolument que la vérité soit sue, et que justice soit ensuite faite. Nous n’aurions pas eu cette exigence s’il était décédé de façon naturelle. Mais, pour quelqu’un de sa dimension, être ainsi assassiné, humilié, bafouillé et dépouillé de sa dignité, franchement, ce fut méchant et ignoble.

Vous n’allez pas insinuer que le Général ne vous a pas fait de confidences?

Nous avons beaucoup échangé, de tout et de rien, de façon très détendue. Côté confidences, j’en ai eu par rapport aux circonstances de l’époque sur les différentes trahisons qui lui ont fait le plus mal. Ainsi que sur les circonstances exactes dans lesquelles il est arrivé au pouvoir. Je tiens à vous rappeler que mon père aurait pu, en dépit de tout, par rapport à l’irrégularité du scrutin, se maintenir au pouvoir par rapport au fait qu’il disposait d’une bonne partie de l’armée régulière qui lui était fidèle. Mais il ne souhaitait en aucun cas rester au pouvoir avec des cas de conscience.

Les présumés assassins de votre père l’avaient accusé de vouloir faire un coup d’Etat. Dans la mesure où il avait effectivement pris le pouvoir en 1999 à la suite d’un coup de force, n’est-ce pas la même cause qui a produit les mêmes effets ? En d’autres termes, votre père n’est-il pas mort pour avoir tenté un coup de force ?

En tant que journaliste, vous êtes mieux placé pour savoir que le coup d’Etat de 1999 n’était pas prémédité. Le général Robert Guei s’est retrouvé dans une situation où il n’avait pas le choix. Il a été chef d’état-major de feu Houphouët-Boigny(le meilleur chef d’état-major après le général Thomas Daquin). Major de promotion à Saint - Syr, il a reformé l’armée ivoirienne (création de la Firpac l’élite de force d’intervention militaire) etc. Il avait donc peu de chances d’échouer à un coup d’Etat, s’il l’avait tenté. En aucun cas mon père n’aurait échoué, s’il avait voulu prendre le pouvoir en 2002, et les gens le savent. L’ancien chef d’Etat a même envoyé à Kabacouma une délégation conduite par le ministre Séri Gnoléba et feu le ministre Bra Kanon. Ils étaient justement allés expliquer à nos parents que le général n’était mêlé ni de près, ni de loin à cette histoire de coup d’Etat de 2002 et que les enquêtes suivaient leur cours.
La grave crise que notre chère patrie a connue depuis 2002 est aussi due au fait que le scrutin présidentiel de 2000 était entachée d’irrégularités et de manœuvres non conventionnelles qui ont porté le président Gbagbo au pouvoir.

Vous affirmez que le coup d’Etat de 1999 n’était pas prémédité. Qu’en savez-vous ?

Permettez que je ne m’étale pas sur cette histoire qui relève du passé. Je répète seulement que le coup d’Etat de 1999 n’était pas prémédité et que mon père a agi dans l’intérêt supérieur de son pays, à la suite d’une mutinerie des Fanci, tout en préservant les vies humaines, ce qui avait été interprété comme un cadeau de Noël, à tel point que vous l’aviez surnommé « Papa Noël ».


Votre père a créé un parti, l’Udpci. Avez-vous une place au sein de cette formation, et laquelle ?

Je suis particulièrement content de cette question. J’entretiens d’excellentes relations avec le président Mabri, ainsi que les cadres de l’Udpci ou les militants. Officiellement, je n’ai pas de poste au sein de ce parti parce que mes activités professionnelles me prennent énormément de temps. Mais, je fais partie de l’Udpci et je suis prêt à oeuvrer pour le rayonnement de ce parti. Je me suis entièrement mis à la disposition du président de l’Udpci, Albert Mabri pour qui j’ai beaucoup d’estime et de respect (un vrai héritier du général Robert Guei).

Seriez-vous prêt à occuper un poste politique au sein de ce parti, à la faveur surtout des Législatives ?

Je n’ai aucune ambition personnelle dans ce sens, pour le moment. Tout dépend du destin, et si l’avenir me réserve d’aviser quoi que ce soit dans ce sens, je le ferai par conviction, pas pour autre chose, mais mes ambitions professionnelles me préoccupent énormément. Chaque fois que je suis au siège ou à une quelconque réunion du parti, j’agis en tant que simple militant. Pour le moment, je n’ai aucune ambition politique, et je ne suis intéressé par aucun poste électif.

Vous êtes de ceux qui ont beaucoup souffert ces dix dernières années. Avez-vous un message particulier dans la mouvance de la réconciliation nationale ?
Je pense que perdre dans sa famille 19 personnes exécutées sauvagement dans une seule journée a été très difficile mais, grâce la foi en Dieu et convaincu qu’un jour Dieu appliquera la justice, avant celle des hommes, je demande aux Ivoiriens de ne pas se rendre justice et de faire confiance à Dieu, et à l’appareil judiciaire. Quel que soit ce qu’ils ont vécu, et surtout retenir que le temps est le deuxième nom de Dieu. Par conséquent, la réconciliation ne peut se faire sans justice.

Avez-vous pardonné à ceux qui vous ont fait tant de peine ?

Pour que nous pardonnions ces actes ignobles il est important que les Ivoiriens en particulier et le monde entier en général, connaissent la vérité, comme l’a dit le ministre Mabri à Kabacouma, pendant les obsèques, en présence du chef de l’Etat de l’époque, Gbagbo. Il faut que la vérité soit connue et la justice soit rendue pour que le pardon soit total. Je pense que le Président Mabri a ainsi clairement dit la pensée de tous ceux qui sont fidèles aux idéaux de mon défunt père et toute la grande famille biologique. Nous vivons dans une société où tout est régi par des règles. C’est donc tout à fait normal que nous réclamions justice par rapport à certains crimes.

Le parti créé par votre père fait partie du Rhdp qui a emmené Alassane Ouattara au pouvoir. Comment jugez-vous les premiers pas du nouveau président ?

En tant que jeune ivoirien et chef d’entreprise, je pense sincèrement que les premiers pas du président de la République et de son gouvernement sont très encourageants parce que nous constatons dans presque tous les secteurs d’activité , une réelle volonté politique du pouvoir d’améliorer les conditions de vie et d’assainir le monde des affaires, en seulement quelques mois d’exercice. Aujourd’hui, nous, jeunes ivoiriens pour la plupart sommes fiers de constater les exécutions et les démarrages de grands projets. Avec lui, la Côte d’Ivoire est sûre de devenir un pays émergeant grâce à ses excellentes qualités de gestionnaire. Je suis très heureux de ce qui arrive à la Cote d’Ivoire.

Qu’est-ce que la famille biologique du général Robert Guéi attend de la visite du président de la République dans l’Ouest ?

Je pense que la famille biologique tout comme le peuple dan doit certainement attendre impatiemment le respect des engagements du président de la République de faire une enquête et punir les auteurs de l’assassinat de son regretté frère.

Pensez-vous que l’Udpci est redevable de la famille du général Robert Guéi ?

Il faut dissocier l’Udpci de la famille biologique. Certes, mon père, feu le général Robert Guei l’a fondé mais pas seul et sans oublier que c’est une organisation politique dont les cadres et militants ont tous subi des injustices suite à la perte tragique de leur leader. Tout enfant du général Robert Guéi peut sans aucun doute adhérer tout en respectant les idéaux et les règles du parti mais il faut que ce soit clair pour tous. Que le fait d’être un fils du fondateur ne fait pas de toi un héritier ou un ayant - droit dans ce cas de figure.

mercredi 26 octobre 2011

LIBYE: La lettre de Saïf en français (après l'assassinat de son père)

Selon Seven Days News, dans une lettre qui est la première depuis (le massacre de sang et de destruction) commis par l’otan et les rebelles (Syrte égorgée) et (Bani Walid blessée), et après des rapports contradictoires sur son sort, Saif al-Islam Kadhafi, dans une lettre à Seven Days News, a décidé de communiquer publiquement pour effectuer son devoir envers sa famille, et aux fidèles du peuple libyen.

Saif al-Islam a dit: Je rassure ma famille, ma mère et mes frères, je vais bien, et je suis toujours le même tel que vous m’aviez connu. Je ne peut pas trahir la volonté de mon père vivant, comment trahir sa volonté et son sang, alors qu’il est mort.

Il a ajouté : Les fidèles du peuple libyen, je leur dis, si nous voulons reculer, nous pouvions le faire, avant qu’on paye tout ce prix, mais maintenant nous avons passé depuis longtemps la ligne sans retour. Nous l’avons dépassé par le sang qui a coulé et la tentative de mépriser des grands hommes qui ne savent s’agenouiller qu’à Dieu seulement.

Il a ajouté: Je suis en ce moment historique et j’essaye d’éclaircir les choses, parce que certaines personnes croient que tout est terminé, alors que tout commence aujourd’hui. J’étais toujours un croyant de la défense de la Libye, et la vengeance des traîtres et des criminels qui ont démontré leur vrais visages au monde entier, et même si je n’étais pas un croyant de la défense de la Libye, ce qui est arrivé me pousse à retourner leur journée en nuit et leur vie en enfer, et semer la mort autour d’eux, où qu’ils soient.

Saif al-Islam a dit: « Je n’accepterai pas de condoléances pour mon père, ni mes frères, jusqu’à l’accomplissement de mon travail et mon devoir, même après cinquante ans s’il le faut ».

Saif al-Islam a dit : «Je demande à tous les croyants de ma cause, qui partagent mon amour de la Libye honnête, ils sont nombreux, qui partagent avec moi la douleur de perdre un être cher, ils sont nombreux, qui partagent avec moi la douleur, la vengeance et le devoir de résistance, je les invite à ne pas récupérer la couronne perdue, mais à récupérer la Libye perdue, à récupérer l’honneur perdu. »

Saif al-Kadhafi a dit: les rebelles ont mis le feu et il faudra qu’ils supportent l’incendie, ils ont versé le sang, il y aura alors un fleuve de sang, nous les pardonnerons jamais, même si l’otan ne se retire pas de la Libye, il ne pourra jamais les protéger dans leurs maisons, leurs voitures et à leurs fêtes et dans leurs lieux de travail.

Saif al-Kadhafi a conclut en disant: Mouammar Kadhafi puisse dieu avoir pitié de lui nous a interdit de les brûler, alors que nous pouvions faire cela, et il nous a interdit de bruler les puits de pétrole et j’ai même suggéré avant la chute de Tripoli de faire sauter l’aéroport mais il a refusé, mais aujourd’hui, qui les protège de nous? Je vais les bruler jusqu’à ce que le sourire revient aux lèvres de ma mère El Hadja Safia et que ma soeur Aîcha se réjouisse et fera des youyous et jusqu’à ce que la joie revient à chaque coeur plein de douleur en Libye.

Les rebelles ne sont pas courageux et ils ne seront jamais et les martyr Moatassem Kadhafi a montré ce qu’ils valent et les brigades de Moatassem vont leurs montrer plus.

Je suis le fils de mon père. Le frère de Moatassem et je suis le fils de la Libye. Je suis l’un des milliers de personnes qui ont hérité de la blessure et de la vengeance, et nous n’allons pas respecter le sang des martyrs de la Libye, si nous ne poursuivons pas leurs assassins partout, jusqu’à ce que la terre se rétrécisse autour d’eux

mardi 25 octobre 2011

L’armée ivoirienne en crise : De la mutinerie de 1990 au coup d’Etat de 1999

Publié le jeudi 15 septembre 2011 | Débats Courrier d’Afrique
Les problèmes non résolus du service militaire, de la pauvreté des soldats, de l’indiscipline, du non respect politique du tableau d’avancement, des tensions ethniques réactivées par la concurrence multi-partisane, de la contestation par les jeunes militaires de l’ordre politique, sont les raisons qui ont déstructuré l’armée ivoirienne. Le coup d’Etat de décembre 1999 est à la racine de la tragédie qui a vu la société ivoirienne basculer dans la violence parce qu’il a eu pour conséquence de diviser profondément l’armée en factions rivales en l’éloignant, de façon marquée, de la population. La crise militaro-civile aura signifié la montée en puissance d’une violence multiforme servie par une génération de jeunes frappés par le chômage et la précarité.

Une armée marginalisée par le compromis houphouëtiste

Depuis 1990, les soldats sont « en révolte » parce que l’armée elle-même est « en désordre » malgré les tentatives de construire une « nouvelle armée » ivoirienne. Comprendre la crise de l’armée ivoirienne implique un retour en arrière sur la manière dont le problème de la violence fut réglé sous Félix Houphouët-Boigny. La société ivoirienne est restée stable, malgré les contradictions qui la traversaient en profondeur, parce qu’elle reposait sur l’ouverture vers l’extérieur, sur le système du « grilleur d’arachides » et sur la gestion inclusive de la diversité sociale. Il faut ajouter à ces trois paramètres un quatrième qui rend compte de la logique spécifique de la mise en forme de la violence en Côte d’Ivoire. Au fond, la répression des « complots imaginaires » de 1962 et de 1963 a provoqué, comme par défaut, le monopole de la violence instrumentale par la marginalisation des structures de coercition et par la mise au pas d’une jeunesse tumultueuse et contestatrice.

L’armée ne fut, à aucun moment, un acteur essentiel de l’action politique conduite par le président Félix Houphouët-Boigny. Il s’en servit lors des crises politiques du Sanwi et du Guébié en évitant, cependant, d’en faire un des piliers de son régime. Certains observateurs en conclurent qu’il se méfiait de l’armée au point de prendre le parti d’une paupérisation de l’outil militaire après avoir confié la défense de son pays à l’ancienne puissance coloniale. En fait, il mit en place une armée de format réduit, convenablement équipée, dont les soldats jouissaient de certains privilèges qui lui a valu l’appellation d’« armée suisse d’Afrique » en raison du pacifisme affiché de son chef suprême et des conditions matérielles de vie qui étaient les siennes.

Si les soldats du rang devaient donner leur « sueur pour le développement » du pays, les cadres militaires furent, quant à eux, associés à la gestion de la chose publique. Les officiers avaient vocation à participer à l’administration de la nation et à assumer des postes civils de responsabilité. Les FANCI garderont pendant longtemps l’image d’une armée apolitique, pluriethnique, légaliste, soucieuse de participer, par le haut et par le bas, au développement de la nation. Une telle situation n’en a pas fait pour autant une force autonome, détentrice d’une légitimité lui permettant de participer à la structure du pouvoir. Trois raisons expliquent cette marginalisation. La première est que l’armée n’était pas née d’une relation conflictuelle avec la puissance coloniale, encore moins d’une lutte de libération nationale. La deuxième est le contexte peu favorable de la guerre froide à la constitution d’armées fortes. Ce désavantage fut transformé par une intelligence politique qui fit jouer ensemble l’armée, les accords de bons voisinage et les exigences mondiales de sécurité pour assurer la défense de la Côte d’Ivoire. Enfin, la troisième raison est liée au fait que le président Houphouët-Boigny avait une conscience aiguë de ce qu’une armée divisée, devenant un acteur du jeu politique, constituait un danger pour la nation : « Je ne veux pas vous livrer aux militaires… Vous tremblez ! Je les connais. »

Les raisons de la mutinerie de 1990

Les jeunes soldats des classes 87/1A, 87/2A, 88/1A et 88/2A, libérables en décembre 1990 et juin 1991, se sont mutinés pour contester la décision prise de créer et de reconnaître une nouvelle milice dénommée les « Loubards ». Ils venaient de faire leur rentrée en politique.

Telle est la première raison d’un soulèvement militaire inédit. Une deuxième raison était au départ de la crise militaire de 1990 : la dignité trop souvent bafouée du soldat. En 1990, au moment où souffle le vent de la démocratie, les soldats refusent désormais d’être des « boys militaires ». La troisième raison était l’habitude de certains officiers supérieurs de détourner à leur profit des avantages revenant aux soldats. Ce sont toutes ces « frustrations » qui vont alimenter en permanence les soubresauts de l’armée jusqu’au coup d’Etat de 1999.

Il y a une autre raison plus objective qui explique l’impasse dans laquelle s’est retrouvée l’armée ivoirienne après la mutinerie de 1990. Un de ses mécanismes de régulation interne a été en effet brisé. Alors que le militaire vivait en caserne, ne pouvant se marier ni disposer d’un logement baillé avant les cinq ans qui suivent son engagement, la nouvelle politique militaire avait décidé d’attribuer des logements aux soldats. Le résultat invisible, au départ, a été la sortie progressive des militaires hors des casernes. Ils n’y sont plus retournés depuis pour vivre en « ville » comme les civils en adoptant leurs comportements en matière de vie sociale. Ils s’endettèrent auprès des « margouillats » en recherchant, par tous les moyens, mais en vain, les ressources de leur vie nouvelle. L’argent était devenu le syndrome d’une nouvelle maladie militaire dont le racket sera le symptôme.

Toutes ces raisons ont conduit à la crise militaire de 1990, dans un contexte de contestation généralisée qui rend encore plus explosif le soulèvement militaire. Pour la première fois, des soldats du rang disent non au traitement qui leur est réservé. Ils se sont soulevés pour revendiquer leur incorporation dans l’armée avec un salaire garanti et des privilèges d’agents permanents de l’Etat. Ils demandaient de quitter l’armée à l’âge de 55 ans comme les policiers, les gendarmes et les autres fonctionnaires.

Ce nouveau soldat ivoirien entend respecter l’ordre et la discipline sans être « frustré ». Il s’agit d’une révolution remarquable des modes d’obéissance dans l’armée. Selon une expression des soldats eux-mêmes, une nouvelle génération venait de « voir clair ». Elle n’hésitait pas à contester quand elle avait l’impression d’être en face d’une injustice. Le sergent-chef Ibrahima Coulibaly, dit IB, résume l’état d’esprit de ce nouveau soldat : « le soldat doit prendre le parti de la justice et de l’égalité ». Ils sont plus sensibles à la dégradation de leur condition de vie, au respect de leurs droits, aux inégalités sociales et politiques. Les futures générations de soldats leur emboiteront plus radicalement le pas.

C’est cette « nouvelle armée », « instruite » mais « contestatrice », que le colonel Robert Guéi « propulsé » à la tête de l’état-major devait discipliner dans une société aux repères fragilisés par la crise pour qu’elle ne se retourne pas contre la construction de la nation.

Cette tâche titanesque n’a pas abouti aux résultats escomptés. Les problèmes qui minent l’armée ivoirienne sont déjà présents dès cette époque bien qu’il faille faire une place à part à la crise de la conscription. De cette époque datent, en effet, les problèmes de recrutement dans l’armée ivoirienne, puisque la loi n° 61-210 du 12 juin 1961 portant recrutement des forces armées devenait caduque de fait. Ce n’est pas seulement cet aspect législatif qu’il faut retenir. Il y a aussi les pratiques qui naissent de la crise économique des années 80 qui a contraint l’Etat à une « professionnalisation » improvisée de l’armée. Les règles pour aller dans l’armée sont alors devenues floues. Plus tard, les jeunes y entreront par « la bande » ou prendront les armes. Des milliers de jeunes sont ainsi devenus des soldats, des rebelles en armes, des miliciens, des membres de groupes d’autodéfense, des manifestants armés, des vigiles armés. Ils sont devenus les acteurs principaux de la manipulation de la violence.

Le coup d’Etat de 1999 : naissance et cristallisation des factions militaires

Le coup d’Etat a été un véritable accélérateur de la déstructuration de l’armée, divisée par des choix partisans, ayant rompu avec la discipline et le respect de la hiérarchie après les mutineries des années 1990. Les dix mois d’une transition militaire chaotique qu’il a ouverte furent rythmés par des dissensions militaires et politiques que le vote d’une nouvelle Constitution n’a pu apaiser. Finalement, il accoucha d’élections violentes dont la contestation a débouché sur une rébellion.

A partir du coup d’Etat de 1999, on assiste à la multiplication des « milices » et autres gardes prétoriennes : Brigades rouges, Camora, Cosa Nostra, PC Crise. La Camora était chargée d’imposer l’ordre par la force. Ses membres contribuèrent à déstructurer le principe de la hiérarchie militaire par leurs manières de brutaliser les officiers. Les Kamajors basés à la maison de la télévision et à la radio avaient pour mission de sécuriser les lieux stratégiques de la ville. Ils devaient aussi tenir la poudrière d’Akouédo d’où était parti le coup d’Etat. Les Brigades Rouges avaient été créées au lendemain du coup d’Etat pour neutraliser les sources de contestation. Le groupe le plus connu du grand public était le PC-Crise qui était une sorte de tribunal militaire informel et un organe répressif. Ces factions vont jouer un rôle considérable tout le long de la transition puisqu’ils seront les bras armés dans l’affrontement des acteurs politico- militaires désormais convaincus que la transition ne pouvait se dénouer que dans la violence.

Une partie de l’armée au pouvoir éclata ainsi en clans opposés à côté du gros de la troupe qui resta silencieuse et d’une gendarmerie qui jouera un rôle important dans la répression des troubles de 2000. La tentative de coup d’Etat du 18 septembre 2000 dit du « cheval blanc » constitue le point de non retour de l’affrontement entre clans militaires. Les hommes du sergent chef IB sont arrêtés et accusés de vouloir accéder au pouvoir par les armes. Mais ces clans militaires qui s’affrontent dans les « bruits et la fureur » ne sont pas les seuls.

Pendant que les « nouvelles stars militaires » se battent violement, de nouveaux groupes de militaires, qui n’appartenaient pas au noyau des hommes du général Guéï, apparaissent et s’organisent selon des affinités politiques et ethniques qui remontaient bien avant le coup d’Etat.

Il suffit de regarder la liste des nominations opérées au mois de décembre 1999 en prenant en considération l’évolution militaire pour se rendre compte qu’en trois ans, les divisions de l’armée se sont renforcées pour donner naissance à des polarisations extrêmes. Certains des officiers du tableau d’avancement resteront dans le camp des loyalistes. C’est le cas de Glély Marcel, de Dogbo Blé Bruno, de Dagrou Loula, qui sera tué dès le début de la rébellion de 2002 dans le nord du pays, du lieutenant colonel Kassaraté commandant supérieur de la gendarmerie, du colonel Guai Bi Poin Georges qui dirigera l’Ecole de gendarmerie et le CECOS. Le colonel Bakayoko Soumaïla, qui dirigeait alors le Génie militaire à Bouaké, le colonel Gueu Michel, le colonel Bamba Sinima, se retrouveront dans le camp des Forces Armées des Forces Nouvelles (FAFN). Si l’armée s’est divisée sur une période aussi courte, il en va différemment de la gendarmerie dont la cohésion s’est maintenue.

Un diagnostic des difficultés que traverse l’armée ivoirienne doit aller en profondeur pour saisir l’essence de cette crise et non en rester à ses raisons apparentes. La sortie de la crise est conditionnée par la mémoire que les Ivoiriens doivent garder des problèmes militaires laissés sans solution et qui constituent encore aujourd’hui des obstacles. Le fait est que la reconstruction de la Côte d’Ivoire doit commencer par les militaires, les policiers, les gendarmes parce qu’ils sont des modèles ou qu’ils doivent l’être pour obliger la société à suivre grâce à la peur du gendarme et du glaive du juge. Reconstruire l’armée ivoirienne signifie en recomposer le format, les missions, l’opérationnalité. Mais une telle tâche de reconstruction sécuritaire ne peut pas être simplement technique. Elle est fondamentalement politique- quoi de plus politique que le mixage des forces ex-belligérantes- mais surtout éthique parce qu’en dessous des apparences techniques, il y a l’énorme décompression morale qui fait tituber la société tout entière. La nouvelle armée serait alors en rupture avec toutes les « mauvaises habitudes » qui ont conduit à la crise militaire.

Azoumana Ouattara